Roman d’Anne Rice.
Lucky le Renard, Tommy Crane, Toby O’Dare. Des déguisements, des mensonges. Quels que soient son nom et son visage, il est un assassin hors pair. Le panache et l’efficacité de ses meurtres n’ont d’égale que son incroyable capacité à disparaître. Depuis une dizaine d’années, il répond sans sourciller aux contrats que lui confie son commanditaire, l’Homme Juste qui se dit « du côté des gentils » (p. 27) Après une mission particulièrement pénible, il rencontre Malchiah, un séraphin qui dit être son ange gardien et qui prétend lui offrir l’occasion de racheter ses crimes en se mettant au service du Créateur. Lucky accepte et plonge au coeur de l’hiver 1257, dans la ville de Norwich en Angleterre. Il a pour mission de protéger et secourir Meir et Fluria, deux parents juifs accusés d’avoir tué leur fille Léa.
Adolescente, j’ai vu plusieurs fois Entretien avec un vampire réalisé par Neil Jordan d’après le roman éponyme de l’auteure. L’adaptation cinématographique m’a toujours charmée, et je pensais indûment que le livre serait aussi bon, voire meilleur. Quelle déception après plusieurs pages! Même constat avec Lestat le vampire, La reine des damnés et autres titres des Chroniques des vampires que j’ai aussi abandonnés après quelques dizaines de pages. Quand j’ai vu un titre d’Anne Rice dont le sujet n’était pas les monstres buveurs de sang, j’ai décidé de retenter l’expérience, pour savoir si ce sont seulement les vampires qui me font détester les écrits de l’auteure, ou si le style de cette dernière est seul responsable.
Le personnage de Lucky/Toby est tout d’abord très difficile à comprendre. Des bribes d’informations laissent entrevoir une enfance traumatisée et des rêves brisés. Il faut attendre le récit de Malchiah, sur tout un chapitre, pour découvrir la jeunesse laborieuse et courageuse de Toby, le drame qui l’arrache à l’humanité et qui brise ses espoirs de Conservatoire et anéantit sa foi en Dieu. On découvre pendant toute la première partie du livre les circonstances qui ont fait de lui un tueur à gages d’élite. J’ai particulièrement apprécié ses désirs mystiques de jeune garçon, son ambition de devenir un frère dominicain avant de succomber à la passion de la musique et du luth. Son goût pour l’histoire est cependant trop peu mis en avant quand on voit à quel point cette composante est essentielle à la suite de l’histoire. La fascination mêlée de scepticisme que Toby éprouve pour la religion est intelligemment traduite dans son admiration pour la basilique de San Juan Capistrano et son talent pour le luth.
Le titre est assez énigmatique. La première explication, page 137, est pour le moins confuse : « Le regard du Créateur englobe le temps. Il sait tout ce qui est, était et sera. Il sait tout ce qui pourrait être. Et Il est Celui qui enseigne à tous, pour autant que nous puissions comprendre. » La seconde, page 141, est un peu plus explicite: « Rappelle-toi qu’il n’y a ni passé ni avenir là où Se trouve le Créateur, mais seulement le vaste présent de toutes les choses qui vivent. » L’ange, étymologiquement « messager de Dieu », est donc dans un présent perpétuel, là où le Seigneur a besoin de lui? Pas très clair…
L’incursion dans la juiverie de Norwich est intéressante. La haine et la suspicion qui entourent la communauté juive, symbolisées par la rouelle, sont impartialement représentées, du simple point de vue historique. Je suis ravie que l’auteure n’ait pas pris parti, et qu’elle ait pris soin de représenter les travers des deux religions.
Dans l’ensemble, c’est une lecture plaisante qui se mène rapidement, mais qui reste sans grand intérêt littéraire. A en juger par les dernières pages, une suite ne devrait pas se faire attendre longtemps. Je ne la guetterai pas.
Un grand merci à et aux éditions qui m’ont offert ce livre. A noter que l’ouvrage paraît aujourd’hui. Belle synchronisation tout à fait fortuite!