Document d’Irène Frachon.
Voici quelques propos de Charles Kermarec, directeur de la Librairie Dialogues, qui résument et le livre et la polémique qui l’entoure:
« Le Mediator 150mg est un médicament antidiabétique souvent prescrit comme coupe-faim, dont l’autorisation de mise en marché a été suspendue par l’Afssaps (Agence du médicament), en novembre 2009, en raison de sa toxicité avec risque avéré d’atteinte des valves du cœur que sa consommation entrainait pour les patients. Les valvulopathies sont des maladies qui peuvent être mortelles. Deux millions de personnes ont consommé du Mediator. Et 300 000 encore tous les jours au moment où l’interdiction faite aux pharmaciens de le vendre a été prononcée.
Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, a été l’un des médecins dont l’enquête a conduit l’Afssaps à faire retirer le Mediator du marché. Elle est l’auteur du livre Mediator 150mg combien de morts ? À l’issue de son enquête serrée, scientifique, son livre se termine par cette phrase : « Il me reste une question : combien de morts ? ». Cette question est donc la question prospective, et légitime, d’un médecin soucieux de ses malades et des politiques de santé.
Le laboratoire Servier a attrait en justice les éditions dialogues, éditeur du livre, et demandé que soit retirée de la couverture cette mention : « Combien de morts » au motif qu’elle risquerait de lui causer un préjudice grave. Action judiciaire en référé vu l’urgence et l’imminence du préjudice allégué. Par un attendu ahurissant, le juge a fait droit à cette demande. Il écrit notamment : « la défenderesse (les éditions Dialogues) en effet minimise l’impact de l’intitulé de son ouvrage en soulevant le fait que la diffusion du produit est aujourd’hui suspendue, et que le dommage serait en conséquence peu important. Or cet argument peut être retourné. S’il advenait finalement qu’après analyse la suspension soit levée, et la diffusion des produits à base de benfluorex rétablie, le dénigrement provoqué par la mention litigieuse se révèlerait alors grandement source de discrédit tant pour le produit que pour le fabricant du produit. » En somme le juge nous dit : si un médicament qui est un poison était demain considéré comme un bonbon inoffensif, alors demain il y aurait préjudice. C’est reconnaitre qu’aujourd’hui il n’y en a pas. Et d’imminent non plus. Dès lors, la décision du juge brestois s’analyse clairement et simplement en une censure d’un sous-titre, légitime s’agissant de la toxicité avérée, reconnue par l’Afssaps, d’un médicament qui peut être cause de valvulopathie. Une censure du sous-titre. Une censure du livre. Dont la couverture doit être modifiée sous astreinte de 50 euros par exemplaire distribué. Le métier de libraire consiste avant tout à se dresser contre la censure. Je fais appel.
Ce livre sera de nouveau en vente la semaine prochaine. Son sous-titre sera désormais « sous-titre censuré ». Il me reste une question : qu’est ce qui est préjudiciable ? Le sous-titre : combien de morts ? Ou les morts ? »
Je n’ai que peu de choses à ajouter aux propos de Charles Kermarec. Si scandale il y a, ce n’est pas Irène Frachon qui le crée ou qui l’alimente. J’ai apprécié l’analyse factuelle que mène l’auteure. Elle présente des faits, des chiffres, des noms, des témoignages de personnes malades. Sa pugnacité est remarquable tout comme sont révoltantes l’inertie et l’hypocrisie de l’AFSSAPS.
On croirait lire une enquête policière, à la poursuite des coupables, avec collecte de preuves et de témoins. Sur la carte qui accompagnait ce livre, une main avisée a écrit : « Un livre qui se lit comme un polar. Un polar qui vous glace le sang. Mais un polar où tout est vrai. » On ne pourrait mieux parler de ce livre, document troublant et inquiétant qui alerte sur la sécurité des patients et la connaissance des médicaments.