Nouvelles de Michel Tournier.
La jeune fille et la mort – Mélanie Blanchart craint par-dessus tout « la pluie de cendres de l’ennui » et « l’empâtement de la vie dans un limon épais et gluant. » (p. 16) Elle veut une existence épicée, piquante, acide. Son attrait pour les choses macabres est un dérivatif à l’ennui. Fascinée par une corde à nœud coulant, un pistolet chargé et des champignons vénéneux, elle refuse de laisser la vie lui voler sa mort.
« Métaphysicienne de génie, elle demeurait à l’état sauvage et ne s’élèverait jamais au verbe. » (p. 40) Mélanie appréhende la vie en philosophe candide et ignorante de son savoir. Sous-tendu par les théories de Parménide d’Élée, d’Héraclite d’Éphèse, d’Emmanuel Kant et d’Henri Bergson, le texte revisite le topos artistique de la jeune et la mort, mis en musique par Schubert. Ni macabre ni noir, ce court texte ressemble à une partie de tarots lentement dévoilée.
L’aire du Muguet – Pierre est routier. Il aime son bahut et il goûte l’immensité rectiligne de l’autoroute. Il travaille en équipe avec Gaston, un vieux routier attaché aux valeurs du métier. Deux fois par semaine, Pierre arrête son camion sur l’aire du Muguet, le long de l’autoroute A6, à la sortie de Pouilly-en-Auxois. Un jour, il rencontre Marinette, jolie bergère qui garde quelques vaches de l’autre côté du grillage qui sépare l’autoroute du reste du monde. Pour Pierre, franchir le grillage est un défi aux allures de nécessité douloureuse.
Cruelle histoire d’amour que celle de « ce garçon et cette fille, rayonnant de jeunesse qui dansaient ensemble une valse viennoise séparé par une clôture barbelée. » (p. 76)
Ces deux nouvelles très poétiques ont des accents d’hagiographies: Mélanie est toute dévouée à la mort, Pierre est tout dévoué à l’autoroute, et chacun rencontre des épreuves initiatiques et décisives. Le style de Michel Tournier, que j’ai découvert avec Vendredi ou les limbes du Pacifique, fait encore mouche.