Roman de Gilles Leroy.
Août 2005, l’ouragan Katrina dévaste la Nouvelle-Orléans. Les digues du lac Ponchartrain cèdent. La ville est sous l’eau et accablée d’une canicule qui vicie l’eau, l’air et les esprits. Dans la maison qu’elle refuse de quitter, aux côtés de la chienne Lady qu’elle refuse d’abandonner, Zola Louisiane Jackson, ancienne institutrice, fait défiler ses souvenirs au fil de l’eau et des jours.Elle revoit son garçon, son Caryl à qui elle a tout donné, pour lequel elle aurait tout sacrifié. Dans le refuge de sa maison, refuge qui se referme sur elle, elle se rappelle les succès de son fils et les choses qu’elle n’a jamais acceptées: son homosexualité, sa relation avec Troy, son attachement à Atlanta. Zola n’a vécu que pour Caryl, mais c’est pour elle-même qu’elle doit survivre.
Après l’ouragan Betsy de 1965, l’ouragan Katrina de 2005 frappe la Nouvelle-Orléans. « Quarante ans plus tard, Betsy était de retour – quarante ans tout rond, presque jour pour jour – , le fantôme de Betsy revenait semer la terreur sur cette ville mal aimée de Dieu. » (p. 59) La Nouvelle-Orléans semble une ville maudite, une ville qu’on ne quitte pas : « On y est né, on y a souffert à peu près tout ce qu’une créature du Seigneur peut encaisser, et on y reste. Ce n’est pas le goût du malheur, non, et pas faute d’imagination. C’est juste qu’on n’a personne d’autre où aller. » (p. 54) Mais si la résignation se décline à chaque mot, Zola Jackson ne se pose pas en victime. Fille mère, veuve et mère déchirée, elle garde la force de lancer des imprécations terribles à la face de Dieu et de se moquer de ses congénères.
Ce roman se lit très vite. Il m’a moins émue que je ne l’aurais cru, sauf les passages avec le chien of course… L’auteur ne tombe pas dans les clichés de représentation des Noirs de Louisiane, ni dans les détours faciles du vaudou et des gumbos traditionnels, mais il manque une pincée de quelque chose pour que la sauce prenne. La description de l’ouragan est sommaire, réduite à des données telluriques, et c’est aussi bien : Katrina reste une force indicible, une méta-donnée en quelque sorte, sur laquelle il ne sert à rien d’écrire des pages puisqu’elle s’introduit elle-même. Des images vues et revues à la télévision, l’auteur ne prend que quelques bribes, il évite l’écueil qui aurait consister à étaler la misère. De brèves touches d’horreur en disent plus que des photos couleurs.
J’ai retrouvé dans ce texte le talent de Gilles Leroy à parler du sud américain, comme dans Alabama song. L’auteur sait rendre son texte aussi lourd et roucoulant que l’accent de là-bas. Dommage encore une fois qu’il manque une étincelle qui m’aurait rendue Zola Jackson plus accessible.