Pièce d’Eugène Ionesco.
« Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soirée anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses pantoufles anglais, fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais, une petite moustache grise, anglaise. À côté de lui, dans un autre fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises. Un long moment de silence anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais. » (p. 11) Voilà sur quoi s’ouvre le rideau. Mme Smith revoit par le menu le repas qu’elle et son mari viennent de terminer. De considération en amorce de dispute, la soirée se poursuit avec l’arrivée du couple Martin, venu dîner chez les Smith. Les deux couples entament des discussions étranges, relatent des récits loufoques et poursuivent des raisonnements tordus. Les interventions de Mary, la bonne, et du capitaine des pompiers nourrissent l’absurdité des situations et des dialogues. Finalement, après des hurlements haineux et dépourvus de sens, la pièce reprend du début avec une subtile nuance.
J’avais lu cette pièce au collège et, déjà, je n’avais rien compris. Mais l’absence de sens m’a bien moins gênée lors de cette nouvelle lecture. J’ai goûté avec délectation l’enchaînement de répliques décousues, l’utilisation de proverbes détournés, l’accumulation de banalités, la déclaration de vérités loufoques et de conclusions sophistiques.
» Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux. » (p. 72)
» L’expérience nous apprend que lorsqu’on entend sonner à la porte, c’est qu’il n’y a jamais personne. » (p. 41)
Les personnages ne se répondent jamais vraiment, les répliques se croisent sans se trouver. Seule la pendule semble être au diapason de cette rencontre de fous parfois furieux. Elle est le baromètre qui suit les tensions et illustre l’atmosphère. Mais les Smith annoncent qu’« elle marche mal. Elle a l’esprit de contradiction. Elle indique toujours le contraire de l’heure qu’il est. » (p. 64) Décidément, avec Ionesco, on ne peut jamais se fier à ses oreilles !
Le titre est largement déceptif ,mais deux répliques le justifient voire l’honorent : » – À propos, et la Cantatrice chauve ? […] – Elle se coiffe toujours de la même façon. » (p. 70) On n’en saura pas plus. Le titre, comme le reste de la pièce, échappe à toute rationalisation. Il ne reste qu’à admettre sans chercher à comprendre.