Roman d’Hélène Gremillon.
1975, Paris. À la mort de sa mère, Camille Werner reçoit une étrange lettre parmi les messages de condoléances. Louis, un homme qu’elle ne connaît pas, s’adresse à elle et lui raconte une histoire qui ressemble étrangement à la sienne. Il est question d’Annie, une jeune provinciale, et de ses troubles relations avec le couple M. Lettre ou roman, Camille ne sait que penser, mais toute cette histoire lui fait l’effet d’un aveu. « J’ai toujours pensé que les secrets doivent mourir avec ceux qui les ont portés. Vous vous dites sûrement que je trahis mes propres convictions puisque je vous en parle, mais à vous, je dois tout dire. » (p. 62) À lire les mots de Louis, Camille a la certitude dérangeante que cet aveu la concerne, qu’il s’agit de sa mère, de son enfance et d’une part de son histoire familiale qu’elle ne soupçonnait pas. Et pour cause, pouvait-elle soupçonner que la manipulation et la trahison étaient à l’origine de sa vie ? Mais elle doit se rendre à l’évidence : « L’impensable, ça existe. J’en suis la preuve. » (p. 44) Alors, pour ne plus douter de sa mère et ne plus être une coquille vide dépossédée de ses origines, Camille cherche à découvrir l’identité de Louis et le fin mot de cette troublante histoire.
Les lettres de Louis remontent le temps jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale, puis jusqu’au conflit lui-même. Alors que l’humanité se déchire pour des raisons politiques, les affrontements privés ne sont pas moins cruels. Le récit de Louis montre une réalité sordide et des êtres aux âmes noires. Fou amoureux d’Annie, Louis raconte comment il l’a perdue à cause de Madame M., une femme désespérée. Les choses auraient pu s’arrêter là, sur le récit de Louis. Mais dans un souci de transparence, le vieil homme livre la confession d’Annie et celle de Madame M. Commence alors pour Camille un jeu de pistes brouillées où les indices les plus probants finissent en cul de sac et où toutes les certitudes s’effondrent. La confrontation de tous les récits comble les vides, renverse les situations et redistribue la culpabilité. Comme un tableau que seule achève la signature du peintre, la dernière phrase du roman ponctue et conclut une douloureuse quête familiale sur fond de conflit et de jalousie macabre.
Ce roman est un chant d’amour et de haine pour la maternité. Situation honnie ou désespérément attendue, elle cristallise les émotions et les passions. Le désir d’enfant prend le visage de la monstruosité, mais le monstre peut se cacher partout, même sous les airs les plus purs. N’est plus victime qui veut quand tombent les masques ! Hélène Grémillon interroge la maternité et ses origines. Une femme devient-elle mère parce qu’elle a porté un enfant ou parce qu’elle l’élève ? Parce qu’elle s’est battue pour l’avoir ou parce que la nature a fait son œuvre ? « Mais pour Camille, j’aurais tout fait. Combien de nuits je me suis réveillée, l’amour de cet enfant ancré dans la gorge, si vivant, si tenace, que je ne pouvais plus me rendormir ? » (p. 260) Ainsi s’exprime la mère de Camille. La mère de Camille ? Je vous laisse découvrir son identité…
L’alternance entre les pensées de Camille et les différents récits est marquée par un changement de police, mais surtout par une différence de style. Hélène Grémillon réussit le tour de force de doter chacun de ses personnages d’une plume/voix particulière. Et le récit se déroule à toute allure, ou plutôt sa lecture. Foi de passionnée, il est impossible de ne pas vouloir poursuivre la lecture de ce roman et quand, rattrapée par les contingences de ce monde, j’ai dû poser l’ouvrage pour vaquer à de viles besognes, je ne pensais qu’à lui. Le confident vous fera froid dans le dos, comme tout bon thriller ou roman psychologique. Plus jamais vous n’oserez faire de proposition à la légère, croyez-moi…