Dans l’arrière-pays d’une contrée sans nom, les gens se battent contre la sécheresse qui craquèle la terre et tarit les espoirs. La pluie, espérée et maudite, se fait attendre : parfois elle ravage tout, parfois elle entend les prières. Les gens de cette terre n’ont d’autre choix que d’attendre. « Ils surveillaient le ciel et accrochaient leurs espoirs aux rubans de nuages effilochés qui traversaient l’azur d’un pas languide. » (p. 14) L’exode reste la solution extrême, l’aveu de la défaite de l’homme devant l’aridité du ciel. Ceux qui restent ne peuvent attendre que la faim et la maladie. La culture de la canne à sucre, ressource à double tranchant, fauche les ambitions et les forces des jeunes hommes.
Dans ce pays de poussière grandissent Isabel et son frère Isaias. Depuis toujours, Isabel est « ouverte », elle sent les esprits et voit l’invisible. Les yeux fermés, elle peut retrouver son frère dans les champs de canne à sucre. Quand Isaias part pour la ville, plein de rêves de musique et de succès, Isabel dépérit. Quand enfin elle rejoint à son tour la grande cité, elle ne trouve qu’une autre pauvreté et une nouvelle solitude. L’arrière-pays était aride, mais c’était une terre de cœur. La ville est un vulgaire miroir aux alouettes dans lequel Isabel ne se perd pas : ce lieu n’est que misère sans âme et elle le sait. Mais d’Isaias, elle ne trouve aucune trace, comme si elle avait perdu son don. Mais peut-être Isaias ne veut pas qu’on le retrouve. Peut-être sait-il ce que sa sœur mettra tant de temps à admettre : « Tu es la seule personne au monde qui me rend plus grand que je ne le suis aux yeux de tous les autres : tu m’as créé tel que je me voudrais, tu fais dans ton esprit la personne que j’aimerais être. » (p. 339)
Bel hommage au courage des hommes et à l’amour fraternel, ce roman souffre de longueurs certaines et d’un penchant trop prononcé pour le pathos. C’est dommage car les descriptions des terres assoiffées et des hommes secs sont superbes. Voilà un texte que je range parmi ceux qu’il est bon d’emmener à la plage : on se moque de laisser du sable entre les pages. Pour ma part, après ma lecture, j’ai abandonné ce roman sur un siège du train que j’empruntais. S’il peut faire le bonheur d’un autre lecteur ou aider à passer le temps, ce sera déjà très beau.