Recueil de tankas de Nicolas Grenier.
Le tanka est une forme poétique japonaise brève en 5 vers non rimés et 31 syllabes.
Nicolas Grenier fait de Saint-Germain-des-Prés sa source d’inspiration. D’autres l’ont précédé sur ce terrain parisien. Mais le poète se veut concis et excelle dans une immédiateté de la perception et de la transcription. Les lieux emblématiques sont là – café de Flore, café des Deux Magots, Odéon, etc. – mais n’ont pas la préséance sur les choses du commun. Ainsi, la ligne de bus, le Monoprix, la crêpe au Nutella et la boîte aux lettres ont leur place dans le tanka. Plutôt que d’en dire plus, voici quelques-uns de ces tankas germanopratins où Japon et France se rencontrent au cœur d’une forme poétique.
« Loin de l’herbe folle / Au crépuscule doré / Sur la chaussée brute / Entre les automobiles / Mon scooter bleu se faufile »
« Échangeur de vent / À l’Odéon rendez-vous / Bus 63 / Pour Maubert-Mutualité / Là-bas l’horloge s’agite »
Le recueil s’ouvre sur une préface de Jean Orizet, membre de l’académie Mallarmé, et se ferme sur une étude très poétique de Nathanaël Gobenceaux, géographe. Pour ce dernier, Saint-Germain-des-Prés, « C’est un quartier-surface, c’est une église-point, c’est un boulevard-ligne. Saint-Germain-des-Prés, c’est un repère dans l’espace. » (p. 38) Reprenant les tankas du poète, il redessine les lieux et pense la Ville en vers : « L’espace géographique peut se mesurer en tanka. » (p. 44) Au terme de la lecture, il semble que le recueil de Nicolas Grenier ferait un excellent Guide du Routard germanopratin. Tout y est : l’Histoire, les rendez-vous incontournables, les infos pratiques et la permission de suivre tous les chemins.
Si un académicien et un géographe s’emparent des tankas de Nicolas Grenier, c’est que cette forme poétique est ouverte à la multiplicité des réceptions. Moi, lectrice anonyme, j’ai décidé d’oublier que je ne connais rien en poésie japonaise – et bien peu en poésie tout court – pour appréhender la Ville à ma façon. Les tankas de Nicolas Grenier sont les vecteurs de ma perception et de mon interprétation. Qu’importe que je connaisse si peu ce quartier parisien et qu’importe que je manque du savoir des académiciens, ce que je trouve en lisant ces tankas, ce n’est pas la connaissance mais l’émotion immédiate. L’image fulgurante traverse ma conscience et, pour un instant, imprime sur ma rétine des mots géographiques.