Roman de Maylis de Kerangal. Lu dans le cadre du Prix Océans.
Aliocha et Hélène se retrouvent dans le même wagon du Transsibérien. Le premier est un conscrit russe qui fuit l’appel, la seconde est une Française qui fuit un homme, voire une vie. À bord du train, chacun déserte et part vers l’Est pour un nouveau destin. « Le Transsibérien. La ligne mythique : deux rails en forme de ligne de fuite qui la conduiraient jusqu’au Pacifique. La piste de la liberté qui donnait sur l’océan. » (p. 62) Aliocha et Hélène ne se connaissent pas, mais entre eux s’établit une connivence inattendue qui dépasse la langue et les histoires personnelles. En aidant Aliocha, c’est un peu elle-même qu’Hélène tente de sauver. Mais la liberté est lointaine, tout au bout des rails et le terminus est une promesse incertaine. « Quinze minutes, c’est une éternité pour qui se tient caché dans les chiottes d’un train derrière une porte qui peut s’ouvrir à chaque instant. » (p. 108)
Ce très court roman m’a rappelé Le canapé rouge de Michèle Lesbre. Des personnages se croisent dans les wagons d’un train qui n’en finit pas d’avaler des rails. Ces héros voyageurs traînent avec eux de passés pas forcément tragiques, mais très certainement encombrants. Le voyage vers l’Est, c’est l’occasion de changer de peau, de faire table rase. Prendre la tangente, c’est habituellement éviter un obstacle déplaisant, se défiler devant l’adversité. Mais il est des défis qui ne valent pas la peine d’être relevés ou qui feraient perdre davantage que ce qu’ils ont à offrir. Et ceux qui en prennent conscience sont parfois plus braves que les téméraires qui ne faiblissent pas.
J’ai aimé cette histoire, mais je suis restée un peu à la marge du récit. En fait, j’ai voyagé sur le marchepied. Si j’ai apprécié, c’est surtout pour les paysages esquissés derrière les vitres du train. Mais le roman de Maylis de Kerangal reste un très beau texte, intimiste et émouvant.