« Platon est mort il y a vingt-trois siècles. Quel intérêt y a-t-il donc, pour nous qui sommes plongés dans les problèmes confus et complexes de la civilisation technicienne, problèmes dont l’étrange et constante nouveauté ne cesse de nous exalter et de nous accabler, à interroger un penseur si lointain, si évidemment vieilli ? » (p. 13) L’auteur présente la pensée de Platon, ainsi qu’une certaine histoire du platonisme. En projetant cette philosophie antique sur le monde moderne, il interroge ce dernier et donne des voies de réflexion. « Le platonisme définit une autre voie autrement fructueuse : celle d’une pensée que, par la médiation du discours dialogué de l’assentiment d’autrui et de la recherche de soi, prenant appui sur les bribes d’être subsistant au sein de ce faux être qu’est le monde naturel, cherche à découvrir, au-delà, l’Être véritable. » (p. 21)
Platon, après Socrate, a fondé sa pensée sur le logos que l’on traduit par dialogue ou discours. « De Socrate, Platon a appris qu’il fallait dialoguer non pour dire, mais pour laisser l’autre éprouver peu à peu l’inutilité, le vide de son discours. » (p. 24) Le dialogue permet de faire la différence entre l’opinion et le savoir. Le discours permet à l’homme de se libérer de la sujétion du sensible pour atteindre la vérité. Mais parler s’apprend : « Ainsi l’Idée est l’envers de la chose, c’est à considérer cet envers comme l’endroit authentique qu’invite la philosophie. » (p. 159)
François Châtelet présente aussi l’histoire de la Grèce telle que la concevait Platon. Le philosophe critiquait les fondements injustes de la démocratie. « Née d’une spoliation, elle s’achève par une spoliation. Le processus de dégénérescence est clair : les riches sont constamment dépouillés de leurs biens qu’on distribue au petit peuple. » (p. 79) Selon lui, la philosophie est en quelque sorte un sophisme : elle poursuit un but d’égalité, mais se fonde sur un passé d’injustice et de violence hérité d’autres régimes politiques. « Timocratie, oligarchie, démocratie, tyrannie, telles sont les étapes qui jalonnent le chemin nécessaire de la corruption. » (p. 82)
Par cette initiation à la philosophie de Platon, François Châtelet donne envie de découvrir les textes de l’auteur antique, de faire siens les mots et la pensée du fondateur de toute philosophie. Cet essai est brillant, mais également complexe. François Châtelet développe son propos en prenant de nombreux détours. Finalement, la conclusion est évidente, flagrante, mais il ne faut pas avoir manqué une étape.