Dona St. Columb s’est réfugiée dans son manoir sur les bords de la Manche pour fuir la futilité et l’effervescence de Londres au sein de laquelle elle n’est qu’une marionnette frivole et superficielle. Loin de son époux, le trop placide Harry, et de l’odieux Rockingham, un flirt sans intérêt, Dona goûte la joie d’être libérée des regards londoniens et du scandale de son ancienne conduite. Alors que rien ne semble pouvoir troubler sa retraite, elle apprend qu’un pirate français pille les demeures de la côte anglaise. Cette menace, loin de l’effrayer comme ses compatriotes, la ravit et lui ouvre les portes d’un monde d’aventures et de frissons.
Sous le regard bienveillant d’un domestique complice, Dona et le Français vivent de belles heures, dans « la délicieuse folie de cette lointaine mi-été qui, pour la première fois, fit de la crique un refuge et un symbole d’évasion. » (p. 13) Le pirate est un homme libre, un aventurier qui incarne tout ce que les Anglais ne seront jamais. Arpentant les terres et les mers sans perruque, il séduit Dona avec ses airs de Robin des bois et cette atmosphère sulfureuse qui l’entoure. Entre eux, le ton est badin et nourrit une séduction sans cesse renouvelée. Mais les amants ne s’illusionnent pas : la parenthèse offerte par cette romance échevelée sera aussi puissante qu’elle sera brève. « Mais ne suis-je pas châtelaine du lieu, mariée, respectable, mère de famille ? Tandis que votre maître est un Français sans aveu, un pirate ? » (p. 70)
Ici s’oppose l’aristocratie anglaise engoncée dans ses traditions à l’aristocratie telle qu’elle s’incarne étymologiquement : le pirate est un aristocrate au sens premier puisqu’il fait partie des meilleurs par sa valeur propre, et non au nom d’un héritage. Au-delà de cette opposition, le roman présente la rivalité quasi millénaire entre Anglais et Français : les premiers se prétendent raffinés et taxent les seconds de tous les défauts possibles. Mais le récit se charge de rendre à chacun ses mérites et ses torts.
Londres, ville malodorante et viciée, ne peut soutenir la comparaison avec la côte anglaise battue par les vagues. La nature y est simple et purificatrice et elle rend Dona à elle-même, loin du faste et des frivolités mesquines. La jeune femme ne se doit plus qu’à elle-même, à son plaisir et à sa folle passion pour le Français.
Ce roman est un petit plaisir d’été fort apprécié. Tout est mené tambour battant, la romance triomphe, les amants sont beaux et l’aventure est dépaysante à souhait !