Pour avoir volé du pain pour nourrir sa famille, Claude Gueux est emprisonné. Homme doux, intelligent et d’âme noble, il s’attire le respect et l’amitié des autres prisonniers, mais ne récolte que l’inimitié des geôliers, notamment celle du directeur de l’atelier pénitentiaire, Monsieur D. « Il avait au fond du cœur une haine secrète, envieuse, implacable, contre Claude, une haine de souverain de droit à souverain de fait, de pouvoir temporel à pouvoir spirituel. » (p. 14) Pour se venger de ce prisonnier, Monsieur D. le sépare de son seul ami, le jeune Albin, un voleur qui partageait son pain avec Claude. Sourd aux suppliques de Claude Gueux, se moquant de sa tristesse, Monsieur D. pense avoir pris l’ascendant sur le prisonnier. Mais Claude décide d’appliquer sa propre justice, la justice du bafoué. De voleur, il devient assassin. À son procès, n’accusant personne, il demande seulement ce qui a fait de lui ce voleur et cet assassin. Pour toute réponse, la justice lui fera entendre le sifflement de la guillotine.
Mais ceci n’est que la première de ce texte très court, l’histoire de Claude Gueux n’étant qu’un exemple édifiant. « Je dis les choses comme elles sont, laissant le lecteur ramasser les moralités que les faits sèment sur leur chemin. » (p. 7) Ce que Victor Hugo veut, c’est dénoncer un système judiciaire et carcéral qui ne répond en rien aux besoins d’une société affamée et dépossédée de tout. « Messieurs des centres, messieurs des extrémités, le gros peuple souffre. Que vous l’appeliez république ou que vous l’appeliez monarchie, le peuple souffre. Ceci est un fait. Le peuple a faim. Le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. » (p. 39 & 40) Dans son plaidoyer, Victor Hugo appelle la Chambre des députés à écarter les sujets frivoles pour réfléchir à la constitution d’une meilleure société, arguant que les lois en place ne savent pas soigner les maux du peuple. Enfin, et surtout, Victor Hugo s’élève contre la peine de mort qui est pour lui un crime public et légal.
Voici donc le texte à l’origine des Misérables. Court, vibrant, incisif, Claude Gueux est un essai politique et social qui rappelle que Victor Hugo était un grand orateur. C’est une lecture essentielle pour comprendre les différentes révolutions du 19e siècle.