Roman d’Annie Degroote. À paraître le 4 avril 2013.
Ana approche la quarantaine. Actrice de théâtre, elle n’a jamais connu le succès et cherche un sens à sa vie. Et même après la mort de mère, plusieurs années auparavant, elle souffre encore du manque d’amour qu’elle a ressenti toute son enfance. « De sa mère, elle se rappelait les injustices, le manque de tendresse et de réconfort dans ses moments de peine. » (p. 44) Elle associe cette mère distante à la Russie, son pays d’origine, et refuse de connaître quoi que ce soit de ce pays slave. « Je n’en veux pas de la Russie » (p. 26) Alors, quand son amie Violette lui propose d’incarner Lioubov dans La cerisaie, la célèbre pièce de Tchekhov, Ana doute de pouvoir rendre hommage à l’une des femmes les plus emblématiques du répertoire russe.
Sophia, 80 ans, captive tous les résidents de la Villa russe en racontant l’histoire de sa grand-mère Tatiana, princesse russe née sur les bords de la Moïka. En 1903, Tatiana épouse Ivan et il naît de leur bonheur deux petites filles, Natacha et Olga. Mais l’histoire rattrape cette famille et en sépare les membres. Sous la poussée des bolchéviques, Tatiana et ses filles fuient en Ukraine, quelques joyaux cousus dans l’ourlet de leurs vêtements. « Toute l’histoire de la Russie pourrait se raconter au travers de ses bijoux. » (p. 186) Les années passent et le communisme de Lénine, puis de Staline ravagent la Russie et l’Ukraine. Mais les jumelles de Tatiana ont fait le serment de vivre chacune ce que l’autre ne pourrait vivre. Et elles ont scellé leur promesse en se partageant une paire de boucles d’oreille, chaque perle devant toujours retrouver sa jumelle.
Quel est le lien entre Ana et Sophia ? Quelle douleur essaie donc d’exorciser la vieille dame en racontant l’histoire de son aïeule et de ses filles ? Ana comprendra-t-elle enfin l’attitude de sa mère à son égard et pourra-t-elle lui pardonner ?
Oui, ça fait beaucoup de questions, mais je ne vais pas tout vous dire. Le roman d’Annie Degroote se lit avec plaisir et émotion. Entre roman historique et roman familial, c’est un plaisir de découvrir la Russie et le destin des princes et des ducs qui ont fui le pays et ont essaimé dans toute l’Europe, jusqu’en France. Entre deux descriptions de parures de bijoux, il est question de la famille impériale et de Raspoutine, mais aussi de la Seconde Guerre mondiale et des infamies du stalinisme. Et surtout, il y a un bel éclairage sur les relations mère/fille et l’amour maternel.
Les perles de la Moïka est un roman très agréable à lire. Ne cherchez pas des prouesses dans le style, mais laissez-vous emporter par un ballet russe d’émotions.