C’est l’histoire d’un garçon-lapin qui craint la fin de journée. « Le temps de la peur… à 19 h 00 pile. « Quand mon père rentrait du travail, j’étais le lapin et lui le chasseur, me cachant dans la forêt qu’était devenue la maison. » La brutalité et la cruauté du père marquent l’enfant et le poursuivent longtemps, même quand il part s’installer très loin avec sa mère.
Hélas, ailleurs, il y a d’autres violences et d’autres douleurs. La cour de récréation et l’école sont le foyer d’une cruauté qui n’en finit pas, à tel point que l’enfant-lapin fait des souhaits macabres. « J’aimerais pouvoir disparaître. » Seul, sans ami, le garçon ne peut que fuir et se soustraire à ce qu’on attend de lui, mais comment se justifier ? « Je viens d’avoir ton professeur, il paraît que tu ne vas plus en classe depuis 5 jours… Mais pourquoi tu me fais ça !! / C’est parce que je suis une crotte de lapin. » Alors, très vite, c’est l’escalade : l’estime de soi et la confiance disparaissent, laissant place à une violence déviante, aux portes de la folie.
Peau de lapin se présente sous la forme d’un album carré, épais et doux. Le dessin au crayon de bois se répartit en quatre cases par page. Ça pourrait être les dessins d’un enfant ou d’un apprenti dessinateur, mais il ne faut pas se fier à l’apparente naïveté du trait. Cette histoire, présentée comme autobiographique, parle de douleur et de solitude. Ou comment un enfant maltraité se défend comme il peut, développant à son tour une cruauté qu’il ne maîtrise pas et qui le sépare toujours plus des autres et du monde. Je ne m’attendais pas à tant de puissance et de violence en ouvrant ce livre.
Régulièrement, il y a des pleines pages où la mine grise du crayon de bois envahit l’espace, réduisant le blanc à force de traits systématiques, réduisant de même l’espoir et la vie. En ne lisant que ces pages uniformément grises, où ne figure qu’une phrase, on retrace toute l’histoire de la dépression chez l’enfant, en passant de la surprise au doute et à l’inquiétude. Cet album n’est pas à mettre entre les mains des enfants. Âmes sensibles, s’abstenir. Donc, une grosse émotion en lisant cet ouvrage qui n’est pas tendre et qui n’offre pas de rédemption. Non, cette histoire ne finit pas bien, mais si ce récit est réellement autobiographique, il y a un espoir. Un bel espoir.