Cendrine a perdu son fiancé le jour où Benjamin Lucas l’a tué d’une balle de fusil. Près de 18 ans après, cette balle n’en finit pas de résonner aux oreilles de la jeune femme, d’autant plus que Benjamin Lucas vient d’être libéré pour bonne conduite. Cendrine décide alors de tenir la promesse qu’elle a formulé des années auparavant : elle va venger son fiancé. C’est à Barjouls, petit village perdu du sud-est de la France qu’elle s’installe, au plus près de là où le meurtrier a trouvé refuge après la prison. Pour dissimule son identité et son projet, elle se fait passer pour une botaniste chargée de recenser les espèces végétales de la vallée. « Benjamin Lucas lui-même ne pouvait pas deviner qu’elle était la fiancée de l’homme qu’il avait tué. » (p. 43)
Patiemment, Cendrine pose des questions, collecte des informations et suit des sentiers dans les montagnes à la recherche du criminel. Mais plus son séjour se prolonge, plus les réponses paraissent vaines ou incomplètes. Et toujours point de Benjamin Lucas à l’horizon. Cendrine doit-elle abandonner sa quête vengeresse ? « Quand j’étais petit, le curé disait que le diable était en chacun de nous… Mais ici, le diable, quand on le cherche, c’est toujours dans la montagne qu’on va. » (p. 176) Barjouls regorge d’affaires sordides et de secrets : vols, viol, dépossession, folie et mensonges composent l’histoire du village. Cendrine perd pied dans cet univers qui, sans être franchement hostile à son encontre, n’est pas vraiment accueillant. Il n’y a qu’Hugo, isolé dans sa bergerie dans l’attente de la fin du monde, qui se montre attentif et amical envers elle.
Voilà que des lettres anonymes sont clouées sur les portes : un mystérieux corbeau évoque de déplaisants souvenirs et trop de chats rôdent dans les rues, rappelant la Masca, cette femme trop belle, trop sorcière. Cendrine le sent, Barjouls est et a été le théâtre de nombreux drames : cela peut-il expliquer le geste de Benjamin Lucas ? « Voilà qu’elle se mettait à ressentir les tragédies des autres, comme si elle n’avait pas assez de la sienne. » (p. 443)
De Myriam Chirousse, j’ai vraiment apprécié le premier roman, Miel et vin, flamboyante histoire d’amour et de famille sous la Révolution. J’ai été un peu moins conquise par ce second opus, mais La paupière du jour reste un excellent roman, à la fois sombre et profond. L’auteure s’y entend pour faire d’un charmant village perdu un gouffre retentissant de haines et de malheurs. Les victimes ne sont jamais celles que l’on croit et certaines blessures ont forgé des volontés hors normes. Finalement, sous la plume de Myriam Chirousse, la vengeance est un plat qui ne refroidit que les tièdes.