« Je n’arrive à faire face à rien. On ne peut me voir que de dos. C’est le journal de cette incapacité. » (p. 9) Avec cette phrase liminaire, la jeune héroïne présente une défaillance métaphorique en la plaçant sur le plan du concret. Au fil des pages de son journal, elle parle de ses amis, de son goût pour les livres, la musique les pizzas et le bon vin rouge. Elle raconte ses désirs et comment ils se heurtent au non-achèvement qui caractérise toutes ses entreprises et tous ses rêves. « Je devrais écrire moi aussi et le faire sans regarder sans cesse la copie du voisin. » (p. 110) Paresse, peur, doute, procrastination, nombreux sont les facteurs qui se lient pour empêcher la jeune fille d’avancer. « Je suis en prison à l’intérieur de moi et j’étouffe. Comme si la flamme me bouffait au lieu de me faire avancer. » (p. 34) Il y a bien cet amant qui semble idéal, mais jamais nommé, ni jamais vraiment présenté, il reste à l’état de fantasme et n’est peut-être que cela.
Le journal de l’héroïne ne présente aucune date et n’est qu’une longue suite de jours égrenés au fil des saisons. « Dans un journal, on parle forcément de soi – c’est pas ce que j’appelle de la littérature. » (p. 50) Et j’abonde dans ce sens. À force de répétitions et de reprises des mêmes schémas, l’histoire ne connaît aucune progression. Elle stagne, voire régresse à l’image de l’héroïne qui, bien que pressée par quelques contingences matérielles, mène une vie d’adulescente sans contrainte. Ce récit ne propose pas d’ailleurs : l’intrigue et la narration font du sur place et il n’y a rien de tel pour essouffler le lecteur. Quel dommage que ce roman, dont le titre renvoie à une figure picturale que j’apprécie particulièrement, pratique une ellipse qui confine à l’effacement ! Je conseille ce roman à de jeunes lecteurs qui se reconnaîtront peut-être dans le personnage perdu de cette héroïne sans visage.
Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.