Roman de Louis-Philippe Dalembert.
Azaka et Mariagrazia forment un couple mixte dans une petite ville des Abruzzes. Avec le temps, les habitants ont fini par ne plus voir la couleur de peau d’Azaka et ce dernier se sent enfin chez lui auprès de la femme qu’il aime, dans l’attente imminente de leur premier enfant. Mais voilà que la terre tremble sous le petit village italien. « On vit avec depuis la nuit des temps. Les sautes d’humeur de la terre font partie de nous, c’est nous. » (p. 235) Ces secousses remuent les décombres du passé d’Azaka qui revit en souvenir un autre séisme, celui de son enfance, celui qui, pour la première fois, lui a pris ce qui comptait le plus. Mais en Italie, ce ne sont que quelques secousses, n’est-ce pas ? Rien ne peut empêcher Azaka d’être enfin heureux. Du moins, c’est ce que ce dernier veut croire. « Le malheur sait aussi bien diviser que rapprocher les humains. Il suffit d’un rien, un geste, un mot, du silence même, pour que l’on bascule d’un côté ou de l’autre. Dans l’horreur ou la générosité. » (p. 129)
Le bonheur conjugal est une chose fragile. Louis-Philippe Dalembert choisit de le confronter à l’une des plus violentes puissances naturelles. L’amour est un séisme intime, mais peut-il résister à la tectonique des plaques ? À demi-mot, le lecteur comprend immédiatement le malheur d’Azaka, mais il se plaît à croire, en suivant son histoire à rebours, que tout va bien se terminer. Cette volonté de s’illusionner ne tient hélas pas longtemps devant l’assertion posée par le titre. En fait de ballade, je parlerais plutôt d’élégie tant le rythme de la narration et la solennité de certains passages invitent le lecteur à communier sur le sort des victimes qui ont succombé aux frissons de la terre. J’ai beaucoup aimé ce texte qui manie lyrisme et poésie sans verser dans le pathos.
Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.