« Au fond, jusque-là, ce qui m’avait manqué, c’était de n’avoir pas pris conscience que j’étais une saine pourriture ou, plus banalement, comme beaucoup d’autres, une personne activement immorale, opportuniste, avide, terrestre, se foutant pas mal de ses semblables, douée d’indifférence ou de mépris à leur égard, prête à les écraser pour jouir, faire de l’argent, obtenir des distinctions ou une position dominante quelle qu’elle soit. » (p. 13) Jean Valmore est un enseignant cynique et un écrivain raté. La cinquantaine bien entamée, le foie bien attaqué et l’esprit bien dérangé, il prend sa carte au sein d’un tristement célèbre parti d’extrême droite. L’attrait intellectuel premier est rapidement remplacé par une folie meurtrière qui va s’exercer à l’aveugle, la lucidité faisant naufrage. « Au fond de moi, il y a un tueur… Il bouge… » (p. 57)
La préface de l’auteur est d’une grande intelligence : les sots s’en offusqueront, mais uniquement parce qu’ils sont aveugles à la réalité. Et pour ceux qui n’ont pas peur de regarder cette dernière en face ? Le personnage narrateur n’est pas plus tendre avec eux et, au fil de sa confession – puisque c’est de cela qu’il s’agit –, il les fustige avec le mépris goguenard qu’ils méritent. « Si vous êtes encore là, penchés sur ces lignes comme une cuvette de w.-c., c’est que vous n’êtes pas non plus très recommandables. » (p. 34) Toute la noirceur du monde est un cocktail de misanthropie fasciste, réactionnaire et pornographique. Pas le genre de lecture que vous aurez envie de partager avec Belle-Maman. Avec Beau-Papa, peut-être, s’il porte à droite, très à droite. L’humour est noir, grinçant, dérangeant, évidemment. J’ai ri, c’était nerveux, un peu honteux aussi. Mais si vous êtes sains d’esprit que moi, vous en redemanderez, comme moi.
Pierre Mérot est aussi l’auteur de l’excellent Mammifères. Commencez par celui-ci et embrayez avec Toute la noirceur du monde, il y a un sens certain dans tout cela.