Thomas French est le nouvel administrateur anglais des terres irlandaises de Mrs Beaton. Celle-ci veut récupérer les fermages impayés depuis des années ou voir expulser les mauvais payeurs. Mais Thomas French a une stratégie différente : plutôt que d’expulser les tenanciers, il rachète leurs impayés à hauteur de la valeur estimée du terrain, laquelle correspond toujours à la valeur des loyers indus. Il leur offre ensuite un billet pour l’Amérique contre l’abandon pur et simple des terres qu’ils occupaient. La proposition est ingénieuse et Thomas French est certain que les tenanciers endettés verront là une belle façon de se débarrasser de leurs arriérés sans passer par la cour de justice. Mais dans les années qui suivent la grande famine, certains Irlandais ne veulent plus plier l’échine devant l’occupant anglais. C’est ainsi que la loge ribboniste de Beatonboro’ condamne à mort Thomas French, cet Anglais qui ne respecte pas le droit des tenanciers et les traditions. « Votre plus grand péché est de vouloir changer la coutume ancestrale. » (p. 343) Étrangement, pendant plusieurs mois, toutes les tentatives d’assassinat contre Thomas French vont échouer. « C’est plus que de la malchance. On dirait plutôt la providence. » (p. 367) Il faudra pourtant bien que quelqu’un paye. Sera-ce Micky, le régisseur du domaine ? Ou Tim et Kitty, les jeunes amoureux ? Ou peut-être de parfaits inconnus ?
Le Ribbon était une assemblée irlandaise qui recrutait parmi les pauvres et les désespérés et qui menait des expéditions punitives où la justice était aussi sommaire que cruelle. S’il s’agissait de montrer à l’occupant anglais qu’il avait affaire à forte partie, le Ribbon terrifiait également le peuple. « Cogner, tuer, estropier pour faire les importants… et le pire, c’est que c’est principalement à des gens comme nous qu’ils s’en prennent ! Et quand, de temps en temps, il leur arrive de descendre un policier ou un propriétaire, nous sommes censés nous exclamer : ‘Bravo ! Vive l’Irlande !’ » (p. 147) Je ne connaissais pas ces sombres épisodes de l’histoire irlandaise et c’est avec un plaisir mêlé d’effroi que j’ai lu Comment tuer un homme. Adapté des mémoires d’un administrateur ayant eu à subir les foudres du Ribbon, ce texte est porté par un style vif et déterminé, très visuel. Cette histoire a tout pour devenir un film époustouflant et, pourquoi pas, un nouveau chef-d’œuvre de Ken Loach. S’il m’entend…