Rosie a parcouru le monde entier, vécu de grandes expériences et de puissantes amours. À 55 ans, elle décide de revenir à Kilbride, petit coin d’Irlande, pour s’occuper de sa tante Min, dépressive et un peu trop portée sur la bouteille. « Min avait été une mère pour moi dès la semaine de ma naissance, mais aucune loi n’oblige à comprendre sa mère, et encore moins une tante qui a pris le relais à la mort de sa sœur. Alors je pensais, sans ressentiment : Elle, ça ne l’ennuie pas de ne pas me comprendre. » (p. 22) Et, de fait, Rosie et Min ont bien des difficultés à cohabiter. Ayant accepté un travail d’écriture, Rosie se rend pour quelques jours à New York pour discuter du contrat, mais elle ne s’attend pas à ce que Min la rejoigne et encore moins qu’elle veuille rester en Amérique, prouvant ainsi qu’elle est tout à fait capable de s’occuper d’elle-même sans l’aide de sa nièce. De retour en Irlande, Rosie s’éprend de la maison abandonnée dans laquelle sa mère et sa tante ont grandi. Dans cette ruine, en compagnie d’une chienne à moitié sauvage, Rosie fait le bilan de son existence : l’amour physique lui manque, le temps la prend en traître et l’ombre de la mort n’est pas si loin. « Il n’y a rien d’amusant à se trouver encore jeune quand tout le monde vous trouve le contraire. » (p. 142)
Indépendante et volontaire, Rosie a mené sa vie à sa guise, cueillant les rencontres comme autant de fleurs rares. Mais la cinquantaine est un rappel à l’ordre : qu’a-t-elle gagné ? Qu’a-t-elle perdu ? Faut-il regretter ? Si oui, comment compenser les manques ? « Cette chose qui m’avait laissée avec des amis partout et nulle part, que j’avais volontairement payée de ma solitude, c’était la liberté de poursuivre le merveilleux. » (p. 410) En rentrant au pays, sous couvert de s’occuper de sa tante, Rosie pensait dresser un rempart contre la solitude en la personne de Min, mais la vieille femme a encore du ressort et elle se découvre une nouvelle jeunesse là où Rosie aurait préféré trouver du calme et une résignation sereine. « La dure leçon du temps sur l’impuissance d’autrui à apaiser notre souffrance se rappelait à moi. » (p. 520) Entre Rosie et Min, il y a un amour filial/maternel qui joue à cache-cache. Parce que dire ses sentiments, c’est reconnaître le besoin qu’on a de l’autre et ça rend vulnérable des femmes fortes comme Rosie et Min.
Cette histoire est profonde et riche de réflexions sur le temps, ses blessures et ses renoncements, mais je suis probablement trop jeune pour en saisir tous les enjeux. Sans vraiment m’ennuyer, je n’ai pas toujours saisi le sens des pensées de Rosie, me sentant plus proche de Min et de ses excentricités de vieille dame saupoudrées d’impudence adolescente. Voilà un livre à relire dans une vingtaine d’années.