Le Maire de Casterbridge

Roman de Thomas Hardy.

Un soir d’ivresse, révolté contre son sort et sa pauvreté, Michael Henchard vend sa femme et sa fille pour cinq guinées. « Je ne vois pas pourquoi un homme qui a une femme et n’en veut plus, ne s’en débarrasserait pas comme ces bohémiens-là font de leurs cheveux. […] Pourquoi ne pas les mettre aux enchères, et les vendre à ceux qui recherchent l’article ? Hein ? Moi, bon Dieu ! je vends la mienne à l’instant, si quelqu’un veut l’acheter. » (p. 13) Le lendemain, dégrisé, Henchard est horrifié par ses agissements et fait la promesse solennelle ne plus boire pendant vingt ans et de rechercher celles qu’il a abandonnées.

Dix-huit ans plus, Suzanne et Elizabeth-Jane font irruption dans sa vie : désormais veuve de celui qu’elle considérait comme son époux au terme du marché contracté avec Michael, Suzanne espère retrouver sa place auprès de son conjoint légitime qui est devenu le Maire de Casterbridge, respecté et enrichi. Repentant, Henchard veut faire amende honorable tout en gardant secret le marché infâme dont il s’est rendu coupable. « Le Maire renouvela de façon régulière et avec une volonté arrêtée ses visites, comme s’il s’était décidé, avec une sorte de froide loyauté, à accorder toutes les réparations légitimes à la première des femmes qu’il eût blessée, au détriment de la seconde et de ses propres sentiments. » De la seconde ? Eh oui, Henchard a rencontré une demoiselle, Lucette Templeman qui, hélas, illustrera l’adage selon lequel, souvent, femme varie.

Et alors qu’il pensait pouvoir compter sans réserve sur son nouvel intendant, le modeste et honnête Donald Frafrae, il s’en fait un rival en amour et en affaires. « Me voilà, moi, l’ancien patron travaillant comme ouvrier chez l’homme qui est devenu le maître de ma maison, de mes meubles, et de celle aussi que l’on pouvait bien appeler ma femme. » (p. 236) Sans cesse contrarié dans ses desseins, et en dépit de sa bonne volonté, Michael Henchard est aux prises avec son tempérament colérique, impulsif et vindicatif. Dans les rues de Casterbridge, il se chuchote que tout cela finira mal et que la déchéance d’Henchard est inévitable. « Il avait toujours eu le regard de sa faute, mais ses tentatives pour donner à l’amour la place de l’ambition s’étaient montrées aussi vaines que son ambition même. » (p. 326)

Quel roman époustouflant ! Le rythme est rapide et l’intrigue se déploie sans temps mort. Le plus fascinant est la mobilité incessante du triangle amoureux : les protagonistes changent à mesure des évènements et le prétendant n’est jamais loin de devenir l’importun tandis que l’amoureuse a déjà pris la place de la répudiée. Thomas Hardy juge sans concession l’abus d’alcool et ses effets sur les caractères faibles. Chez l’auteur anglais, le destin est inexorable et cruel : les coupables qui ne s’amendent pas véritablement seront punis à l’extrême. Face à la fatalité telle que la peint Thomas Hardy, le bonheur ne va jamais de soi et le mariage est loin d’en être l’illustration parfaite. Comme dans Jude l’obscur, l’union maritale semble être un piège pour ceux qui s’y laissent prendre.

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