Gilles de Rais a donné naissance au mythe de Barbe Bleue. Qui était-il, cet homme assoiffé du sang et des souffrances de très jeunes garçons ? « Ce fut un tueur d’enfants, un pédéraste, un sodomite, une bête enragée ; il eut de grands vices, mais n’en appartient que davantage à notre pauvre humanité. » (p. 13) Fidèle compagnon de Jeanne d’Arc, richissime et dispendieux marquis aux innombrables châteaux, le seigneur de Rais reste un mystère sur lequel plane un parfum de souffre. « Il se penche sur les cadavres. La mort devient sa compagne. Il veut la démasquer. Il y a de l’obstination dans cette quête. Il poursuit un but caché. Le connaît-il lui-même ? Il entre chaque jour un peu plus dans l’ombre du crime. Il est un assassin, il le reconnaît au plaisir qu’il a de tuer. » (p. 50) Ses meurtres et ses vices, il les accomplit alors que la France se cherche un roi, luttant contre l’ennemi anglais au cours de l’interminable Guerre de Cent Ans. Tandis que les manigances et les complots secouent la Cour, Gilles de Rais, dans ses terres, poursuit des jouissances de plus en plus sinistres. Cependant, au cours de son procès, c’est un repentir sincère qu’il exprimera, touché par la grâce qu’il a tant souillée.
Pierre Combescot aime l’Histoire, il sait la raviver et la mettre en mouvement sous nos yeux. Nous voilà dans les salles basses de Tiffauges, au côté des victimes juvéniles sur le point de périr. On ressent la fureur qui anime le seigneur des lieux et la folie qui ébranle son esprit avide et malade.
Gilles de Rais est une figure historique fascinante que j’ai déjà eu beaucoup de plaisir à croiser sous la plume de Michel Tournier avec Gilles et Jeanne ou Le roi des Aulnes, ou de Joris-Karl Huysmans avec Là-bas.