Ouvrage de l’Académie française.
L’Académie française, à quoi sert-elle ? « Son but est d’éviter qu’une confusion dans les mots n’entraîne une confusion dans les idées. » (p. 8) Dans son introduction, Jean d’Ormesson nous rappelle que cette éminente d’assemblée d’hommes verts ne travaille pas pour « faire joli », mais pour préserver le sens. « Un français correct n’est ni une affectation ni un luxe. C’est la garantie d’une pensée sûre d’elle-même. La beauté de la langue n’est que le miroir d’une raison capable de mettre de l’ordre dans le chaos du monde. » (p. 9)
Il convient donc de distinguer la règle et l’usage, le second étant bien souvent fautif par rapport à la première. Attention aux contresens et approximations ! « Ces images de coupe claire et de coupe sombre, empruntées au langage de la sylviculture, sont fréquemment employées, mais bien souvent à contresens. Une coupe claire, pratiquée pour laisser passer la lumière, consiste à abattre un grand nombre d’arbres. Elle est donc plus sévère qu’une coupe sombre, consistant à abattre quelques arbres seulement, sans que le sous-bois s’en trouve éclairé. Un auteur doit donc redouter davantage la couple claire que la coupe sombre dans son texte, et les coupes claires dans les crédits sont plus à craindre que les coupes sombres. » (p. 58 & 59)
L’Académie française n’est pas hostile aux anglicismes : la langue française doit évoluer, mais il est tout à fait inutile d’y introduire des mots étrangers quand il existe déjà un mot français pour dire exactement la même chose. L’Académie n’est donc pas anglophobe et encore moins misogyne ! Si elle s’oppose à la féminisation des mots, ce n’est pas pour maintenir la prétendue supériorité de l’homme, mais pour garantir une égalité de traitement. Eh oui, le masculin est en fait un genre non marqué qui englobe le masculin et le féminin, alors que le féminin est un genre marqué et exclusif. « C’est donc le féminin qui est le genre de la discrimination, et non, comme on peut parfois l’entendre, le genre masculin. » (p. 88)
Je ne rappellerai jamais assez que « pallier » est suivi du COD et non du COI : « on pallie un manque » et pas « à un manque ». Vous avez un doute sur l’usage d’une préposition ou l’emploi du subjonctif ? Vous trouverez une réponse simple et claire dans cet ouvrage, et les quelques exemples de ce qui se dit et de ce qui ne se dit pas sont limpides.
Enfin, précisons que ce qui est immortel, c’est la langue, pas les membres de l’Académie française qui doivent leur surnom à une heureuse métonymie. « La langue française est immortelle à condition que chacun des mots qui la composent soit soumis à un examen permanent, et que les préjugés qui l’encombrent soient éliminés un par un. L’immortalité ne consiste pas à être figée à un moment donné du temps, mais au contraire à rester vivante. » (p. 183)
Ce petit ouvrage remet quelques points sur les i et ce n’est jamais un luxe dans notre monde perméable aux modes et aux tics de langage. Et quelle joie de lire que l’on maîtrise une règle un peu absconse ou que l’on sait quels pièges éviter !