Roman d’Archibald Joseph Cronin.
Au début des années 1910, Gracie Lindsay rentre à Levenferd, petit village écossais que des circonstances troubles lui avaient fait quitter quelques années auparavant. Désormais veuve, elle espère pouvoir jouir de sa liberté et de sa jeune existence. Mais le village n’a pas oublié un certain scandale et ne lui pardonne pas sa conduite trop légère et sa beauté étourdissante. Son oncle, Daniel Nimmo, le photographe du village, est heureux de retrouver celle qu’il a toujours chérie. « Gracie, il l’avait aimée de tout son cœur d’homme sans enfant. Elle n’était pas pétrie de l’argile commune ; elle était précieuse, de corps et d’âme. » (p. 12) De son côté, Gracie est heureuse de revoir David Murray, son premier et unique amour. Mais le jeune homme est engagé auprès d’une jeune fille : leur mariage lui apportera une étude et une position sociale. Et un autre homme tourne autour de la belle Gracie, Franck Harmon, industriel riche et avide. Devant les égarements de sa nièce, Daniel Nimmo est convaincu qu’une seule chose peut sauver la jeune femme : son enfant. « Il retrouverait le fils de Gracie, l’unique agent capable de stabiliser la vie de cette nièce aimée, mais si imprudente. » (p. 31) Mais Levenford est-il prêt à accorder son pardon à celle qui offense ses mœurs étriquées ? « La haine mutuelle, sous le voile de la bonté, telle est la règle en cette ville ! » (p. 82) Finalement, Gracie sera sauvée dans un ultime geste grandiose où elle accomplit son destin de femme.
Dans les premières pages, cette histoire m’a semblé cousue de fil blanc. Ce n’est pas le cas. Ce court roman a beaucoup à offrir en délicatesse, en émotion et en sentiment. Je n’approuve pas le destin que l’auteur accorde à son héroïne. Gracie ne peut en effet se réaliser que dans le sacrifice de son individualité et de ses désirs, au profit de l’enfant qui est la meilleure expression d’elle-même. Cette vision de la femme est très datée et très réductrice : une mère n’est qu’un marchepied pour son enfant. OK, mais dépassons cela. Gracie Lindsay est un personne féminin étonnant et rafraîchissant dans une littérature début de siècle souvent patriarcale et phallocrate. Rien que le nom de l’héroïne est élégant et charmant. Je découvre A. J. Cronin avec ce roman et je suis bien décidée à ouvrir d’autres textes de cet auteur écossais.