Alvare, jeune Espagnol au service du roi de Naples, souhaite être initié à la cabale et maîtriser les esprits. « S’ils ont du pouvoir sur nous, c’est notre faiblesse, notre pusillanimité qui le leur donne : dans le fond, nous sommes nés pour les commander. » (p. 14) Dans une grotte perdue d’Italie, il convoque Béelzébuth et se fait offrir la plus délicieuse des soirées, partagée avec des amis qui assistent à l’expérience. « Vous nous donnez un beau régal, ami, il vous coûtera cher. / Ami, […] je suis très heureux s’il vous a fait plaisir ; je vous le donne pour ce qu’il me coûte. »(p. 20) Hélas, Alvare est bien loin d’avoir pris la mesure de son engagement auprès de l’esprit démoniaque qui est désormais à son service. Sous les traits d’une femme, l’esprit se fait séducteur et amoureux. Biondetta se déclare éprise de son maître et prête à tout pour le satisfaire. Peu à peu, Alvare s’éprend de cet esprit qui s’est fait corps et qui lui promet les plus beaux serments. « Quand j’eus pris un corps, Alvare, je m’aperçus que j’avais un cœur. » (p. 41) Mais ce cœur est bien avide et la jolie Biondetta demande un amour absolu et exclusif. Comment échapper au diable et à ses douces paroles ? Parce que même sous des dehors charmants, le démon ne faiblit jamais. « Votre espèce échappe à la vérité : ce n’est qu’en vous aveuglant qu’on peut vous rendre heureux. Ah ! tu le seras beaucoup si tu veux l’être ! Je prétends te combler. Tu conviens déjà que je ne suis pas aussi dégoûtant que l’on me fait noir. » (p. 61)
Il y a quelque chose de gothique et de tout à fait fascinant dans ce très court texte. La valse des apparences est largement exposée et la farandole des sentiments humains est tour à tour moquée et piétinée. Ah, vertu, qu’il en faut peu pour te souiller ! C’est toujours un plaisir rare de plonger dans un texte du 18° siècle, avec sa langue riche et désuète.