Céline et Désirée Vatard sont brocheuses. Quand elles quittent l’atelier, elles ont des occupations bien différentes. Elles rentrent ensemble chez leurs parents, mais alors que Désirée prend soin de leur mère malade et de leur père, Céline s’apprête pour ressortir rencontrer des hommes. « Un homme, ça ne tire pas à conséquence pour lui s’il s’amuse, une fille, ça l’empêche de se marier avec un garçon qui serait honnête. » (p. 59) Le père Vatard est cependant satisfait de cette situation : elle aime sa petite Céline et sait qu’il ne peut pas la retenir et il est bien heureux que sa sage Désirée reste au foyer. Aussi, quand Désirée rencontre Auguste et souhaite l’épouser, le père Vatard s’oppose farouchement à cette union, causant bien des tourments aux jeunes amoureux. Pendant ce temps, Céline abandonne Anatole, canaille peu fréquentable, pour Cyprien, un peintre aux mœurs peu recommandables, mais au bras duquel elle est fière de s’afficher. Ses amours débridées ne sont pas pour la rendre heureuse et la calme harmonie de la maison Vatard est bien secouée. « J’ai deux filles, il y en a une qui ne veut épouser légitimement personne et elle encore plus insupportable que l’autre qui voudrait se marier et qui ne le peut pas. » (p. 136)
La dédicace liminaire à Émile Zola ne manque pas de piquant quand on sait le violent reniement du naturalisme ensuite opéré par Huysmans. À l’époque de l’écriture des Sœurs Vatard, Huysmans est encore un disciple ébloui par le maître et il dépeint avec force détails l’atelier, les attitudes des ouvriers et les chiffons des demoiselles. On sent cependant déjà poindre un certain goût pour la luxure qui annonce le décadentisme de ses futures œuvres. Impossible de ne pas penser à un autre de ses textes, Marthe, histoire d’une fille, qui relatait le pauvre destin d’une ouvrière devenue prostituée. Les sœurs Vatard n’est certainement pas mon texte préféré de Joris-Karl Huysmans, mais c’est un texte qui prend toute sa place dans l’œuvre de cet auteur.