Roman de Marie Laberge.
François Bélanger enseigne la littérature à l’université de Québec. Il est marié à Élisabeth et aime sa femme. Un jour de rentrée, il croise le regard de la jeune Anne Morissette. Dès lors, comment résister au désir fou qui le consume ? « Lui qui s’était toujours cru à l’abri, bien tassé dans son œuf conjugal et professionnel ne comprenait pas pourquoi tout à coup il en ressentait les parois et l’étroitesse. » (p. 15) De son côté, l’étudiante ne sait que faire de l’attirance qu’elle éprouve pour son professeur. Elle qui vit si librement, refusant toute attache et toute promesse, se sent menacée par cette passion qui les consume. François aime Élisabeth. Et il aime Anne. Il ne peut envisager de quitter la première, mais il ne peut tolérer de vivre sans la seconde. « Anne contient la fin, Élisabeth la durée. Et il se doute que jamais il n’aurait pu se consumer en Anne si Élisabeth n’avait pas existé. Que sans elle, peut-être que lui aussi aurait fui. » (p. 136) Des années plus tard, Élisabeth comprend que François en a aimé une autre. Elle s’épuise alors à remuer le passé, à interroger ceux qui savaient, à comprendre comment elle a pu ignorer la grande passion de son mari. « Tu veux savoir si il y a de quoi être jalouse, si François l’aimait plus que toi, mieux que toi, si ça valait la peine, si c’est une fille assez intéressante pour que ton chagrin ne soit pas du gaspillage. » (p. 206) Pour reprendre sa route et pardonner à François, Élisabeth va devoir dire adieu à quelques illusions et à beaucoup de peurs.
Marie Laberge ne parle pas d’adultère, elle parle d’amour. François est-il coupable d’en aimer une autre qu’Élisabeth ? Est-on coupable d’aimer ? « Et, de façon irrémédiable, il sait qu’il a affaire non à une liaison, mais à la passion. Et il y consent. » (p. 89) Le polyamour, thèse à la mode depuis quelque temps, est ici présenté avec simplicité et évidence. Il est des cœurs qui peuvent aimer à foison sans trahir, ni abandonner. La société condamne ce qu’elle considère comme une errance des sentiments ou une manifestation vile de pulsions charnelles. Mais le désir n’est pas coupable quand il est vécu comme le fait François. « Vaincu, débouté, il rentre, taraudé par le désir d’Anne, soumis comme à un vieux mal si connu qu’il en est presque aimé. » (p. 45) Ce roman m’a beaucoup émue. Le style de Marie Laberge est impeccable, sonore et poétique, follement sensuel parfois et terriblement tranchant quand il faut achever. Quelques adieux me donne encore plus envie de découvrir le reste de l’œuvre de cette grande auteure québécoise.
Mon avis sur Ceux qui restent.