En 1936, la famille Schwart quitte l’Allemagne pour les États-Unis. Elle s’installe dans la vallée de Chautauqua. Le père, qui était professeur dans un lycée allemand, est contraint d’accepter un emploi de fossoyeur. Le rêve américain ne se réalise jamais pour lui et son épouse. Jacob Schwart est un père odieux, violent et mauvais, haï par tous ses enfants. « Il était un homme brisé. Un homme dont les rats avaient mangé les tripes. Mais il était aussi têtu. Retors. » (p. 87) Rebecca, la cadette, échappe de peu au drame qui anéantit sa famille. Désormais sans racines, elle fait de son mieux pour survivre et oublier d’où elle vient. « Elle avait un air têtu, une dignité raide. Elle ne se laissait marcher sur les pieds par personne. » (p. 43) Elle croit trouver le bonheur avec son époux, Tignor, mais ne l’attendent encore que danger, violences et désillusions. Rebecca doit se sauver et sauver son enfant. Elle s’enfuit à nouveau et devient une autre. Mais le passé n’a de cesse de la rattraper de différentes façons. Quelle que soit sa nouvelle identité, elle sera toujours la fille du fossoyeur.
Joyce Carol Oates sait écrire de très beaux destins féminins et des personnages puissants. Ce roman est la fabuleuse histoire de la résilience et de la survie d’une femme courageuse, solide et déterminée. De 1936 à la veille des années 2000, Rebecca Schwart gagne son indépendance et sa place. La fin du roman est une question lancée aux vents mauvais et au spectre hideux des génocides. La fille du fossoyeur est une claque littéraire qui interroge l’histoire, l’identité et la société.
Quelques passages percutants pour finir.
« Sans le poids de Tignor pour l’immobiliser, l’amarrer, elle serait brisée, éparpillée comme des feuilles mortes emportées par le vent. Et aussi peu importantes que des feuilles mortes emportées par le vent. » (p. 294)
« J’ai su alors qu’un homme pouvait aimer. Un homme peut aimer. Avec sa musique, avec ses doigts, un homme peut vous aimer. Un homme peut être bon, il n’est pas obligé de vous faire du mal. » (p. 424)
« Une femme ouvre son corps à un homme, il le possédera comme s’il lui appartenait. Quand un homme vous aime ainsi, il finira par vous haïr. Jamais un homme ne vous pardonnera la faiblesse qu’il a de vous aimer. » (p. 445)