Étienne est photographe de guerre. Il a été enlevé. Il est désormais un otage relâché. Dans l’avion qui le ramène en France, puis dans la vieille maison de sa mère, il cherche de quoi est constituée la liberté et comment la retrouver. « Captif dès qu’il est en présence des autres. C’est dans les veines, c’est dans le sang maintenant ? Jusqu’ici ? » (p. 56) Irène, sa mère, l’a attendu en silence dans son jardin, aux côtés d’un piano devenu muet. « Toute sa vie, elle luttera contre la peur sourde de qui a voué un être au temps. » (p. 46) Son ancienne compagne Emma achève encore de briser le lien qui le relie à cet homme insaisissable et toujours parti. Ses amis Enzo et Jofranka ont continué leurs vies, un peu lestées de l’incertitude entourant leur ancien camarade de jeux. Il ne suffit pas qu’une porte s’ouvre et qu’un bandeau tombe pour que la vie reprenne. « Quelque chose en lui veut aller jusqu’au bout de tout ce que cette prise d’otage a entamé en lui. » (p. 118)
Je découvre Jeanne Bénameur avec ce roman et me voilà bouleversée par une plume sensible, vibrante, émouvante et puissante. Une merveille. Un trésor. En peu de mots, mais toujours justes et précis, elle rappelle que nous sommes tous l’otage de quelqu’un ou de quelque chose. Parfois nous sommes consentants. Parfois nous sommes confinés. Parfois nous sommes notre propre prison.
Impossible de ne pas penser à la bande dessinée de Guy Delisle, S’enfuir : les deux œuvres se répondent sur bien des points. Et je vous laisse avec deux extraits qui parlent d’universel et d’intimité.
« Quand franchit-on le seuil de l’inhumain ? Ceux qui ont tué violé massacré, par quoi leur pensée d’homme était-elle prise en otage ? » (p. 73)
« Oh mon fils tu ne sauras jamais tout ce qui a étreint mon cœur. Les fils ne savent pas ce que vivent les mères. J’ai vécu en fonction de toi en croyant être libre. » (p. 102)