Bande dessinée de Catherine Meurisse.
7 janvier 2015. Les frères Kouachi font un massacre dans les locaux de Charlie Hebdo. En retard pour la conférence de rédaction, parce qu’elle pleurait sur un amour compliqué, Catherine Meurisse n’était pas dans les locaux. Survivante. Rescapée. Épargnée. Sauvée. Mais aussi choquée. Secouée. Déboussolée. « Je voudrais être vivante, comme avant. » (p. 65) La protection personnelle qui lui a été assignée l’encombre, l’étouffe. Les cauchemars étreignent son sommeil, bouffent ses nuits. Même marcher sur les pas de Marcel Proust à Cabourg n’y fait rien : Catherine Meurisse est profondément perdue. Peut-elle encore dessiner ? Doit-elle rester à Charlie Hebdo ? « T’es pas mort ! On n’est pas mort. Fuck’em all !! » (p. 21) Mais vient la tuerie du Bataclan et les angoisses redoublent. Pour reprendre pied, Catherine Meurisse tente une immersion dans la beauté en Italie : combattre le syndrome du 7 janvier par le syndrome de Stendhal !
« Le terrorisme, c’est l’ennemi juré du langage. » (p. 50) Dans ce cas-là, si les mots sont impuissants, il faut continuer à dessiner, opposer la caricature d’encre à la caricature de religion. Je n’ai jamais aimé la plume de cette dessinatrice de presse, mais lire cette bande dessinée, c’est aussi ma façon d’être Charlie. Dieu que cette expression est dévoyée aujourd’hui… Tant pis, je suis sincère quand je la prononce. Au fil des pages, il y a des aquarelles qui m’ont donné envie d’apprendre à nager dans la peinture, de m’envoler dans le coton. Douce et forte, cette lecture prend aux tripes.