Marcel Péricourt, fondateur de la banque Péricourt, rend l’âme. Le Tout-Paris se presse aux obsèques de ce grand homme. Mais les funérailles sont bouleversées par un drame : Paul, le petit-fils du banquier, se jette sur le catafalque de son aïeul depuis un étage de la maison familiale. Désormais, rien ne va plus. « En quelques heures, une famille riche et respectée venait de connaître la mort de son patriarche et la chute prématurée de son unique descendant mâle. Des esprits défaitistes auraient pu y voir l’expression d’une prophétie. » (p. 33) Que reste-t-il alors ?
- Madeleine, la fille de Marcel et l’ex-femme d’Henri d’Aulnay-Pradelle, ne se consacre qu’à son fils et ne jette qu’un œil distrait sur les affaires familiales.
- Gustave Joubert, l’ancien fondé de pouvoir du feu banquier, se verrait bien devenir à son tour un homme riche et reconnu, lassé d’être sans cesse un subalterne, bien terne d’ailleurs.
- André Delcourt, le professeur particulier de Paul, a de hautes aspirations et se rêve en journaliste. Il veut surtout prendre sa revanche sur tous ceux à qui il doit quelque chose.
- Léonce, la dame de compagnie de Madeleine, dissimule sous son beau visage une âme rouée et des secrets.
- Charles Péricourt, le frère de Marcel, toujours pris dans des affaires financières douteuses, mais paradant sur la scène publique en sa qualité de député, est décidé à devenir enfin l’homme fort de la famille Péricourt.
Ajoutez à cela la crise financière venue des États-Unis, la montée du nazisme en Allemagne et la farouche volonté d’une femme blessée de se venger de ses ennemis et vous obtenez un roman choral d’une grande puissance. Impossible à lâcher tant le rythme est entraînant et bien maîtrisé ! Vous aussi, laissez-vous éblouir par les Couleurs de l’incendie ! Comme dans Au revoir là-haut, on retrouve des faux-semblants, des accommodements avec la justice, des usurpations d’identité, des méthodes plus ou moins honnêtes d’arriver à ses fins, de l’amour, de l’espoir et des projets fous.
J’ai enfin mis le doigt sur ce qui me plaît dans le style de Pierre Lemaitre, déjà ressenti avec Au revoir là-haut (notez que je n’ai rien lu d’autre de cet auteur…) : c’est cette dimension zolienne ou balzacienne dans la façon de croquer les êtres et d’en donner un portrait aussi vivant qu’immédiatement compréhensible, mais avec une plume moderne, pleine d’humour et de finesse. L’auteur a également un talent pour camper des personnages secondaires très forts, comme Vladi l’infirmière polonaise ou Solange Gallinato la cantatrice. Enfin, il dépeint à merveille la violence contenue dans le vaudeville amer de la bourgeoisie.
Il est donc bien tant que je regarde d’un peu plus près le reste de la bibliographie de cet auteur !