La libération de la femme et la révolution sexuelle ne sont qu’un pas. Pour Virginie Despentes, il reste bien des combats à mener pour que cesse enfin la domination masculine. « Souffrir, et ne rien pouvoir faire d’autre. C’est Damoclès entre les cuisses. » (p. 30) En dépit des évolutions, le corps collectif, la société et l’État restent encore oppressifs et donnent trop peu la parole aux femmes. L’autrice revendique le droit de parler du viol, de dire le mot et de s’en relever : aucune femme, jamais, ne devrait avoir honte d’avoir été violée, ni faire de cet évènement une remise en cause négative de sa féminité. « Cachez vos plaies, Mesdames, elles pourraient gêner le tortionnaire. Être une victime digne. C’est-à-dire qui sait se taire. La parole toujours confisquée. Dangereuse, on l’aura compris. Dérangeant le repos de qui ? » (p. 73) De même, la prostitution et le porno ne doivent plus être considérés comme des activités soumettant ou diminuant la femme, mais comme des manifestations de leur « empowerment ». Chaque chapitre s’achève par un extrait d’un livre parlant de femme, de féminité ou de féminisme : c’est toute une bibliographie qu’il me tarde d’explorer.
La conclusion se veut un plaidoyer bienveillant pour que les femmes et les hommes se libèrent des carcans qu’on leur a imposés et pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Cependant, je ne suis pas d’accord avec toutes les généralités que présente l’autrice en se fondant sur son expérience. Je n’ai pas vécu ce qu’elle a traversé, mais j’ai eu ma part d’agressions physiques et verbales. Comme Virginie Despentes le professe, je garde la tête haute, mais je ne vois pas en l’homme un agresseur potentiel. Je ne mets pas le pied dehors en m’attendant à chaque instant à être plus ou moins malmenée par la population masculine. Avoir une telle défiance envers une moitié de l’humanité ne s’accorde pas avec ma vision très optimiste – d’aucuns diraient Bisounours – du monde et de l’espèce humaine. J’ai déjà exprimé cette position en parlant du roman de Naomi Alderman, Le pouvoir. J’en profite pour vous recommander un autre texte parlant de l’injonction de la féminité, l’excellent Beauté fatale de Mona Chollet. Et je vous laisse avec quelques extraits du texte de Virginie Despentes.
« C’est en tant que prolotte de la féminité que je parle, que j’ai parlé hier et que je recommence aujourd’hui. » (p. 7)
« La figure de la looseuse de la féminité m’est plus que sympathique, elle m’est essentielle. » (p. 8)
« C’est tout de même épatant, et pour le moins moderne, un dominant qui vient chialer que le dominé n’y met pas assez du sien… » (p. 11)
« Il faut, de toute façon, que les femmes se sentent en échec. Quoi qu’elles entreprennent, on doit pouvoir démontrer qu’elles s’y sont mal prises. » (p. 15)
« Après plusieurs années de bonne, loyale et sincère investigation, j’en ai quand même déduit que la féminité, c’est la putasserie, l’art de la servilité. » (p. 76)
« Car, finalement, nous ne sommes pas les plus terrorisées, ni les plus désarmées, ni les plus entravées. Le sexe de l’endurance, du courage, de la résistance, a toujours été le nôtre. Pas qu’on ait eu le choix, de toute façon. » (p. 86)