La vérité sort de la bouche du cheval

Premier roman de Meryem Alaoui.

La narratrice, c’est Jmiaa, prostituée à Casablanca depuis que son mari a fichu le camp vers le mirage d’une vie meilleure en Espagne. « Pour vivre, je me sers de ce que j’ai. » (p. 17) Jmiaa n’a pas sa langue sans sa poche, elle est droite dans ses bottes et débrouillarde. « Ici, tu rencontres celui qui chaque jour boit sa honte et qui – le soir venu – te fait vomir la tienne, dans les toilettes sales et l’excuse d’un vin frelaté. Mais, au fond, tu te fous bien d’eux, de leur misère et de leur crasse. Parce que tu sais que c’est comme ça. Et que sur cette terre, chacun son lot. » (p. 26) Jmiaa aime la vie, la fête, l’alcool – peut-être un peu trop. Et sa fille, à qui elle tente de cacher son activité. Elle aime aussi Chaïba, son petit ami, aussi brutal qu’inconstant. Arrive Chadlia, dite Bouche de cheval, qui veut réaliser un film dans Casablanca et lui donner tous les accents du réel. « Il faut que ce soit comme dans la vraie vie. Pour que les gens y croient. Qu’ils pensent que c’est vraiment arrivé. » (p. 166) Pour ça, elle a besoin de quelqu’un qui connaît la ville dans ce qu’elle a de plus authentique. Pour Jmiaa, c’est une proposition en or. « C’était ça mon travail avec elle : l’aider pour qu’elle puisse finir d’écrire son histoire. Plus facile que ça, il n’y a pas. » (p. 123) Jmiaa compte bien en profiter autant qu’elle pourra et tirer tous les avantages de cette situation. D’autant plus que Bouche de cheval cherche maintenant l’actrice principale de son film.

Jmiaa est le genre de personnage que je désespère de croiser plus souvent dans la littérature. Quel plaisir de l’écouter parler – à qui, cela reste un mystère – et de suivre son regard profane sur le cinéma, mais acéré sur la nature humaine ! Dotée d’un gros bon sens et d’une tête solide, elle traverse les épreuves de la vie avec majesté et détermination. À l’image de sa protagoniste, le roman est généreux, drôle par moment, profond, vivant et très humain. Et le style de Meryem Alaoui est de ceux qui enchantent dès les premières lignes, à la fois musical et chantant, aussi rythmé que mesuré. Avec ce premier roman, l’autrice fait déjà preuve d’un talent certain et je vais suivre de près la suite de sa carrière littéraire.

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