Roman de Serge Joncour.
Été 2017. Lise et Franck partent pour trois semaines de vacances, dans un gîte perdu au milieu du causse. Pour Lise, c’est l’occasion de se couper des ondes, de renouer avec la vie simple et avec la nature. Pour Franck, c’est l’enfer : ce producteur stressé, drogué à l’information et à la connexion, ne supporte pas l’immense solitude des lieux. « Il se mit à marcher de long en large pour essayer d’attraper du réseau quelque part, il tenait le téléphone tendu devant lui, comme une télécommande pour rallumer le monde. » (p. 58) Et le calme n’étant pas le silence, Franck redoute tous les bruits venus du sous-bois et des collines alentours. Y aurait-il des ours ou des loups dans les parages, rôdant chaque nuit ? « Cette obscurité, il la ressentait comme une encre qui s’infiltrerait en tout. » (p. 89) Quand arrive un immense chien-loup qui semble se chercher un maître, Lise et Franck ne savent pas encore qu’ils vont toucher du doigt la cruauté et la folie humaines. Et que, par un étonnant retour d’histoire et de destin, leur séjour dans la maison isolée a un lien très fort avec l’Allemand dompteur de fauves, à qui on avait permis de se cacher de la guerre avec ses monstres rugissants tout en haut de la montagne. Cet Allemand dont la présence surplombante et menaçante lui a valu les pires accusations : n’était-ce pas lui qui était responsable des pluies diluviennes de l’automne, de la foudre sur les Orcières et de la disparition du soleil pendant l’hiver, alors que tous les hommes étaient au front et que les femmes s’épuisaient à travailler la terre et à continuer à vivre ? Mais personne, sauf la belle Joséphine, la femme du médecin, n’osait monter les voir, lui et ses fauves. « On ne cherche pas querelle à un homme qui fait s’asseoir des tigres et des lions, ça porte malheur… » (p. 99).
J’ai apprécié les débuts de ce roman qui rappellent la boucherie que fut la guerre de 14-18. Et par boucherie, j’entends le sens premier, ce lieu affreux où l’on abat les animaux : bœufs, chevaux, bêtes de cirque et de zoo, tant d’innocents enrôlés de force dans le conflit des hommes. J’ai aussi apprécié le rappel du lien qui unit l’homme et la bête domestiquée : « Être maître d’un animal, c’est devenir Dieu pour lui. » (p. 189) J’ai également apprécié l’alternance des chapitres, entre 1914 et 2017, ce qui construit un suspense haletant entre le drame passé et le drame en cours. Hélas, la résolution m’a beaucoup déçue : trop courte, trop brusque, trop facile en un sens. Autre point négatif : les répétitions d’un chapitre à l’autre, voire d’un paragraphe à l’autre, qui m’ont donné l’impression d’un récit qui ne progressait pas, qui piétinait, voire qui était tiré en arrière. Cependant, la plume de Serge Joncour est là, généreuse et riche, et rien que pour ça, cette lecture n’est pas manquée !