Bande dessinée de Pascal Bresson et Hervé Duphot.
26 novembre 1974. Simone Veil se prépare à présenter son projet de loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse. « Elle ne doit pas effrayer les hommes. Elle a l’intelligence de les comprendre, de ne pas entrer en conflit avec eux. » (p. 5) Depuis des semaines, la ministre de la Santé reçoit des lettres d’injures, de menaces, d’intimidation. Son projet de loi dérange, choque, révolte. Nombreux sont ceux qui en appellent à la loi divine, mais Simone Veil est confiante. « On ne doit pas se laisser intimider ni même se laisser entraîner dans un débat moral. » (p. 7) À quelques heures du vote, rien n’est joué et elle ne sait pas encore si elle peut compter sur le soutien de la gauche. Elle ne connaît pas la position de l’Église. On la voit fumer, beaucoup, et se souvenir. Reviennent l’enfance, l’adolescence sous l’Occupation, l’arrestation, le camp, la perte de ses proches. Reviennent la rencontre avec Marceline Lorridan-Ivans, la volonté de ne pas fléchir, de tenir jusqu’à la fin de la guerre. Après tout ce qu’elle a vécu, Simone Veil se sait solide et déterminée. Hélas, il en faudrait si peu pour qu’elle vacille, tandis que les hommes politiques de son propre parti agitent le spectre des agissements nazis pour qualifier l’IVG. « Je ne me laisserai pas abattre par ce torrent de haine et je ne montrerai pas à ces hommes qu’une femme est plus fragile qu’eux. » (p. 55) La suite de l’Histoire, tout le monde la connaît : la loi est passée et les femmes ont enfin acquis le droit de disposer de leur corps.
Très bel hommage à Simone Veil, récemment décédée, cette bande dessinée est aussi un rappel nécessaire face aux mentalités rétrogrades qui voudraient tant supprimer des droits à ceux et celles qui ont eu tant de mal à les obtenir. Faut-il rappeler que l’IVG n’est pas un mode de contraception, que l’avortement de confort n’existe pas, sauf dans l’esprit de ceux qui voudraient contrôler les femmes ? Apparemment, et malheureusement, oui. « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. » (p. 32) Avec ses pages en noir et blanc parsemées de touches de monochromie qui changent selon les époques, ce livre est un bel ouvrage. Chapeau aux dessinateurs qui ont su représenter Simone Veil, Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing et bien d’autres sans les caricaturer, mais en saisissant l’essentiel de leurs traits. Ils sont tous parfaitement reconnaissables. Le seul reproche que j’ai à faire à cet ouvrage tient dans les dialogues que j’ai parfois trouvés un peu artificiels. Mais après tout, qu’en sais-je ? Je ne fréquente pas les hautes sphères du pouvoir et peut-être est-ce ainsi que les membres d’un gouvernement discutent…