Bande dessinée d’Alain Ayroles et Juanjo Guardino.
Sous-titre – Une seconde partie de l’histoire de la vie de l’aventurier nommé Don Pablos de Ségovie, vagabond exemplaire et miroir des filous ; inspirée de la première, telle qu’en son temps la narra don Francisco Gomez de Quevedo y Villegas, chevalier de l’ordre de Saint-Jacques et seigneur de Juan Abad.
La bande dessinée s’ouvre une séance de travail de Velázquez quand il peint les Ménines. Ou plutôt, la bande dessinée prend la suite du roman de Francisco Quevedo. « À la fin de ce roman situé en Espagne, le picaro Don Pablos embarque vers l’Amérique – les Indes, comme on disait alors. Quevedo annonce une suite, qu’il n’écrira jamais. » Ou plutôt, la bande dessinée commence par le récit de Pablos, à demi mort, qui raconte comment il a découvert l’Eldorado et ses richesses infinies, en accompagnant Don Diego, hidalgo plein de panache. Il est question de têtes réduites, du terrible rebelle El Tigre, de voyages épuisants, d’esclaves marrons et de bien d’autres choses. Son aventure suscite l’intérêt de l’alguazil et du corregidor. Mais cette histoire est-elle digne de confiance ?
Évidemment, elle ne l’est pas ! Pablos est paresseux, ambitieux, filou, menteur et traître, mais également hautement sympathique. « À force de constance dans la fourbe et d’invention dans la friponnerie, un obscur lève-tard peut y devenir le souverain d’un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ! » (p. 154) Dans cette bande dessinée, j’ai retrouvé tout le sel des romans picaresques que j’apprécie tant. « J’étais parti de trop bas pour renoncer à m’élever. » (p. 28) Mais il y a plus encore, et notamment des références à des œuvres picturales et littéraires, certaines évidentes, d’autres plus subtiles. Entre autres choses, il est question de lama aux pratiques salivaires étonnantes quand ils sont fâchés. Ce flot de clins d’œil n’est pas étonnant puisque Alain Ayroles est aux commandes du scénario et qu’il m’a déjà enchantée par sa maîtrise de l’intertextualité dans la série De cape et de crocs. Quant à Juanjo Guardino, il fait très fort avec des dessins superbes et une palette de couleurs flamboyante, comme dans la série Blacksad. Je suis restée sans voix devant les pages sans texte et devant la magnifique double page sur l’Eldorado.
Les Indes fourbes est une réussite sur tous les plans. Voilà une bande dessinée que j’aurais plaisir à relire très souvent !