Lee Miller est jeune. Elle est belle. Les objectifs l’adorent. Mais elle veut passer derrière. Loin de son Amérique natale, elle espère réaliser son rêve dans le Paris de 1929. « Lors de son premier été à Paris, elle ne connaissait pas encore le pouvoir des photos, la façon dont un cadre crée une réalité, dont une photographie devient un souvenir qui devient vérité. » (p. 28) Sa rencontre avec Man Ray est décisive. L’artiste devient son maître, son amant. Lee devient son assistante et sa muse. Le couple côtoie Paul Eluard, Pablo Picasso, Jean Cocteau, Salvador Dali et tout ce que Paris compte d’artistes et d’intellectuels surréalistes. Les années passent et la jeune Américaine se forme. « Lee observe toutes ces vies autour d’elle et commence à redevenir elle-même – ou à devenir elle-même, pour la première fois. Ses paupières sont comme l’obturateur d’un appareil photo ; quand elle cligne des yeux, un mouvement, une image s’impriment dans son esprit. De temps à autre, une de ces images mérite d’être conservée, de sorte qu’elle la fixe sur la pellicule. Toutes les photos qu’elle prend ainsi semblent vivantes et inattendues. Et Lee elle-même se sent plus vivante que jamais du seul fait de les prendre. » (p. 366) Devenue reporter de guerre, à Buchenwald, elle perd une part d’elle-même. « Il y a matière à photos partout où se pose le regard, des compositions d’horreurs. » (p. 147) Plus de 30 ans après sa rencontre avec Man Ray, elle ne sait quoi faire quand on lui propose de relancer sa carrière de journaliste en écrivant un long portrait de son ancien amant. « Le sujet, c’est Man Ray / Justement pas, pense Lee. Et ça a toujours été le problème. » (p. 28 & 29)
Dans ce roman historique, l’autrice présente la relation intense et dévorante entre l’artiste déjà renommé et celle que l’histoire aurait pu oublier, tant le premier s’est approprié le travail de la seconde. Whitney Scharer joue sur les deux faces de la photographie, entre art et reportage, qui sont deux formes de vérité. « L’un après l’autre, les correspondants de presse. Lee reste. Elle doit porter témoignage. Elle a les poches remplies de boîtes de pellicule, de grenades à envoyer pour publication. » (p. 290) Le récit est très bien rythmé et très agréable à lire. Peut-être un peu trop romancé à mon goût, mais je pinaille : le roman offre un beau portrait d’une artiste.