Essai de Sylvie Germain, suivi de deux nouvelles.
Dans cet essai aux allures de conte saupoudré de réalisme magique, l’autrice philosophe fait preuve d’une spiritualité incantatoire et décrit une expérience métaphysique, celle de transformer le rien en langage. Elle porte une réflexion sur l’acte d’écrire, cette genèse textuelle que l’écrivain réitère chaque fois qu’il met au monde, ou aux mots, un nouveau personnage. « Donner une carnation aux mots. » (p. 31) Sylvie Germain s’appuie sur des textes et des auteurs immenses pour étayer son propos : l’Ancien et le Nouveau Testament, Simone Weil, Milan Kundera, Paul Celan, Marguerite Duras, etc. Elle interprète l’excision et les scarifications comme une peur de la bouche vorace et secrète, tenue en respect par un langage qui prend la peau pour support et vecteur du message. Elle rappelle surtout la vanité de la création littéraire. « Écrire est dérisoire : une digue de papier contre un océan de silence. » (p. 88) Voilà un ouvrage à faire lire à tous les aspirants romanciers pour leur apprendre à accueillir cet autre qu’ils font grandir dans leur imaginaire
Je vous laisse avec des concentrés de sagesse et de beauté, comme toujours avec Sylvie Germain !
« Tous les personnages sont des dormeurs clandestins nourris de nos rêves et de nos pensées. […] Des dormeurs qui, à force de rêver dans les plis de notre mémoire, à fleur d’oubli, finissent par être touchés par un songe monté des profondeurs de la mémoire, du cœur spiralé de l’oubli. » (p. 14)
« Ils naissent d’un rapt commis là-bas, aux confins de notre imaginaire où, furtivement, dérivent des rêves en archipel, des éclats de souvenirs et des bribes de pensées. Et ils savent des choses dont nous ne savons rien. » (p. 16)
« Sans une parole, il nous dicte son vœu, lequel a force d’ordre tant il est impérieux : être écrit. » (p. 18)
« Ils n’appartiennent à personne. Ils attendent juste la chance d’être lus, pour exister davantage, et toujours autrement. » (p. 34)