Huysmans peut-il être autre qu’acerbe, acide, mordant ? L’aimerais-je autant s’il avait poli ses grandes dents ? Le titre de son texte est parfait : Huysmans est un grincheux, aujourd’hui on le dirait râleur. « Quelle réponse faire à cette insoluble question : pourquoi un catholique pratiquant est-il plus bête qu’un homme qui ne pratique pas ? » (p. 15) Mais quand il affûte ses armes et vitupérations, c’est avec argument. Ici, c’est l’institution ecclésiale qui fait l’objet de ses foudres. Il lui reproche son mercantilisme tiède, bien éloigné des merveilles médiévales du plain-chant. Il fustige l’hypocrisie bourgeoise des sacrements et la piété douteuse de ses coreligionnaires. « Quel chambard dans l’Église il faudrait pour la remettre dans sa vraie voie ! » (p. 29)
« Quand l’on connait ce monde-là, l’on peut bien dire que le purgatoire d’un converti, c’est de vivre parmi les catholiques. » (p. 28) Huysmans est un croyant tardif, mais enthousiaste qui pense selon mon cœur. Il sait que la religion se nécrose, ou pire ! se fige, si elle ne s’adapte pas, et il appelle de ses vœux une pratique conforme à son temps. « Il ne s’agit pas d’altérer l’immuabilité de ces dogmes, mais de s’adapter aux conditions de la vie moderne. » (p. 39) Ce n’est qu’ainsi, selon lui, que l’Église retrouvera une réelle proximité avec le peuple. « Il ne faut pas oublier ce point de vue général, si l’on veut bien se rendre compte de l’énorme labeur que M. Huysmans a entrepris, dans le but de magnifier celle qu’il appelle dans ses livres, sa Mère l’Église. » (p. 118
Le texte de Huysmans est suivi d’un entretien où il se montre tranchant et cynique envers le monde littéraire et le sentiment patriotique de ses concitoyens. Vient enfin une biographie très exhaustive de l’auteur, entrecoupée d’extraits de ses œuvres et de critiques de ces dernières. L’on voit qu’il était autant adulé qu’honni par ses contemporains, ne laissant personne indifférent. Si l’œuvre de Joris-Karl Huysmans vous intéresse, ce très court ouvrage vous en donnera un bel aperçu et s’avère parfait pour commencer à lire le bonhomme. « Si je suis fermement catholique, je suis non moins résolument anticlérical et ne désire pas que des gens dont je partage des idées religieuses soient au pouvoir. » (p. 47)
Petit bonus non négligeable, je ne me lasse pas de la beauté délicate et raffinée des éditions de L’Herne. Le texte est imprimé dans une profonde encre bleue qui est du meilleur effet sur le papier blanc crème. Lire un beau texte dans un bel objet, ça décuple le plaisir !