Je suis le carnet de Dora Maar

Texte de Brigitte Benkemoun.

Quatrième de couverture – Il était resté glissé dans la poche intérieure du vieil étui en cuir acheté sur Internet. Un tout petit répertoire, comme ceux vendus avec les recharges annuelles des agendas, daté de 1951. A : Aragon. B : Breton, Brassaï, Braque, Balthus… J’ai feuilleté avec sidération ces pages un peu jaunies. C : Cocteau, Chagall… E : Éluard… G : Giacometti… À chaque fois, leur numéro de téléphone, souvent une adresse. L : Lacan… P : Ponge, Poulenc… Vingt pages où s’alignent les plus grands artistes de l’après-guerre. Qui pouvait bien connaître et frayer parmi ces génies du XXe siècle ? Il m’a fallu trois mois pour savoir que j’avais en main le carnet de Dora Maar. Il m’a fallu deux ans pour faire parler ce répertoire, comprendre la place de chacun dans sa vie et son carnet d’adresses, et approcher le mystère et les secrets de la « femme qui pleure ». Dora Maar, la grande photographe qui se donne à Picasso, puis, détruite par la passion, la peintre recluse qui s’abandonne à Dieu. Et dans son sillage, renaît un Paris où les amis s’appellent Balthus, Éluard, Leiris ou Noailles.

Décidément, quand une quatrième de couverture fait bien son travail, il faut le dire ! Ici, elle met l’eau à la bouche du lecteur en quelques mots. Et le texte est à l’avenant : c’est notre vieille et belle capitale qui reprend vie sous nos yeux, et Brigitte Benkemoun propose une biographie originale, sans verser dans le potin mondain. Tout est très délicat, comme le cœur amoureux blessé de Dora Maar, puis revivifié par les amitiés douces et tendres. « Maîtresse officielle est son titre de noblesse, la femme qui pleure sa camisole. » (p. 135) L’autrice brode quand elle ne sait pas démêler le fil, mais tout s’inscrit parfaitement dans ce qu’il convient d’appeler le roman de Dora. L’enquête est historique, sans aucun doute, mais surtout romantique, au sens premier du terme qui renvoie à l’imagination. Car il y a tout à écrire à partir des quelques pages du petit carnet miraculé.

Ouvrage lu dans le cadre du Prix Écrire la photographie, organisé par Place Ronde.

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