D’ascendance russe et hongroise, Italo Zadouroff est un vieil homme qui veut que le monde reconnaisse enfin son lien avec Ludwig van Beethoven. « Beethoven a existé, voyez-vous, et moi aussi j’ai existé, sauf que moi, perdu dans le grand labyrinthe de mes souvenirs, personne ne me connaît et maintenant que les voix laissent sortir la grande explication des faits historiques, tout le monde va me connaître ; alors que lui, tout le monde le connaît, et maintenant qu’on me lit, chacun va le méconnaître ; c’est ainsi que se vident et se remplissent les lavabos : Beethoven est mort, moi je suis vivant, dans le secret de nos tombes se trouve la vérité que je m’apprête à dévoiler. » (p. 48) Ainsi, le compositeur de génie aurait vécu des amours contrariées avec une servante du château de Martonvásár. L’enfant né de cette courte relation, Italo, grandit sans son père, ce qui laisse forcément des traces. « La haine me coulait si bien dans les veines que j’ai passé toute ma vie à m’en défaire. » (p. 87) Les années passant, Italo devient un virtuose du piano, mais il est tout à fait incapable de composer. Après une vie entière à tenter, symboliquement et littéralement, de tuer le père, il livre son histoire dans ses mémoires, plus ou moins empêché par son trop fidèle valet.
L’Histoire a retenu de Beethoven qu’il est mort seul et sans descendance, alors que faire des élucubrations d’Italo Zadouroff, deuxième du nom ? Eh bien, les prendre ce qu’elles sont, de merveilleuses créations de l’imagination. À moins qu’elles soient tout à fait véridiques ? Qui peut savoir… Le fils fait face à un père trop imposant, écrasant, et sa vie entière est une démonstration de sa propre existence, un cri lancé à la multitude pour être enfin entendu. « S’il n’a pas manqué d’ambition, il a manqué de génie pour faire descendre le sublime dans une forme nouvelle et c’est la confusion dans les idées qui a fini par dominer chez lui. » (p. 237) Avec ce deuxième roman, Stéphane Malandrin explore à nouveau la puissance créatrice de l’esprit et les méandres infinis du réalisme magique, pour mon plus grand plaisir. Et bonus non négligeable, on retrouve Lisbonne et l’étrange codex à la source des malheurs du héros du Mangeur de livres, dont je ne peux que vous conseiller la lecture !