Ouvrage d’Isabelle Collet, illustré par Phiip.
« Le sexisme, ce n’est pas le problème des femmes qui le subissent, c’est le problème de ceux et celles qui le reproduisent, le valident, le diffusent, s’en accommodent ou en tirent parti. » (p. 63) Voilà, j’ai posé le décor !
L’autrice est scientifique et dénonce le sexisme dans le monde des mathématiques, de l’informatique et plus globalement des sciences dites dures (comme leur b…, paraît-il). Elle commence par rappeler les croyances farfelues du passé, pour mieux les dézinguer. « Certains savoirs seraient en contradiction avec la nature même des femmes, comme la logique mathématique qui serait desséchante (c’est-à-dire qui rendrait stérile). Ou encore la science. » (p. 16) Combien de femmes ont été oubliées dans l’histoire des sciences, leurs travaux attribués à des confrères ou tout simplement volés par ces derniers ?
Bon, me direz-vous, aujourd’hui, l’égalité, on l’a, tout va bien. En droits peut-être, mais dans les faits, ce n’est pas si simple ! « Je pourrais longuement expliquer comment le système éducatif encourage plus les garçons que les filles. […] Les stéréotypes modèlent les esprits. » (p. 27) Isabelle Collet présente des chiffres, des statistiques et des données objectives édifiantes. Il existe VRAIMENT (oui, VRAIMENT) une organisation systémique et quasi inconsciente qui véhicule un sexisme qui devient, par endroit et pour certains, une norme sociale qu’il semble bien inutile de remettre en question. « L’école, malgré ses défauts, n’est pas la source des stéréotypes. Le plus souvent, elle laisse passivement le sexisme de la société passer à travers elle. » (p. 34) Alors que fait-on ? Où commence la lutte pour empêcher que le sexisme s’enracine de manière insidieuse dans les comportements des enfants et fasse des petits dans le monde du travail et de la science ?
« Axiome. Hommes et femmes ont les mêmes capacités intellectuelles et la société gagne à leur égalité. » (p. 2) Attendez, quoi ? On me dit dans l’oreillette que si les femmes sont aussi compétentes que les hommes, elles peuvent tout à fait faire carrière sans aucun problème ! Ah, si seulement c’était aussi simple ! L’autrice nous explique la perversité du sexisme bienveillant et botte le cul de la chimère d’un prétendu sexisme inversé. Pauvres hommes, vous aussi vous souffrez ? Personne ne le nie, enfin ! Mais… « L’agressivité ou les moqueries contre des hommes, des blancs ou des hétérosexuels peuvent être bien réelles, blessantes, voire haineuses, pour autant, elles ne s’appuient pas sur un rapport social historique installé. » (p. 46) Donc oui, on sait, #NotAllMen et tout ça, mais ce n’est pas le sujet ici. Le sexisme existe, screugneugneu, et c’est une plaie sociale à panser de toute urgence ! Parce que même si ta réflexion, Jean-Mi, n’était pas méchante ou était de l’humour, elle participe d’un mécanisme vicieux durablement installé !
J’ai ri jaune, mais j’ai ri fort, parce que le féminisme et la lutte contre le sexisme sont des sujets sérieux qui ne doivent pas nous faire perdre notre sens de l’humour. « Que veux-tu, je suis une femme, je suis émotive. Surtout quand on me dit que je suis émotive. » (p. 26) Nombre de situations décrites sont absurdes et pourtant criantes de vérité ! Alors oui, j’ai ri devant les petits malheurs de Seximsme Man, superhéros autoproclamé d’une cause dont il ne comprend pas les enjeux ! « Je n’aurai de cesse de le débusquer et de l’exposer. Je vais lui dessiner sa race qu’après il arrivera plus à marcher. (Ou une phrase équivalente, mais qui aurait du sens) Ce jour, je suis devenu Seximsme Man !!! Car qui de mieux placé qu’un homme blanc cisgenre hétérosexuel pornographe, hein ? » (p. 7)
Ah, j’oubliais, les personnages sont des lapins. Et le livre est publié aux éditions Lapin. Si ce n’est pas un double gage de qualité, ça ! Entre bande dessinée et abrégé de sociologie sur les fondements et les biais du sexisme, cet ouvrage est à diffuser largement !
Je vous laisse sur deux extraits aussi édifiants que rageants…
« Dire à une femme : ‘tu n’as pas besoin d’être féministe, car tu es suffisamment forte et compétente’ est un compliment des plus ambigus. » (p. 54)
« Une fille devient curieusement moins séduisante quand elle annonce qu’elle veut devenir mathématicienne ou informaticienne. » (p. 32 & 34)