L’auteur/artiste est un opposant de longue date du régime chinois. Résolument engagé dans la lutte contre la crise mondiale des réfugiés et des migrants (politiques, climatiques, économiques), il a voyagé dans 23 pays et recueilli des dizaines de témoignages. « Laisser les frontières façonner notre pensée est incompatible avec les temps modernes. » (p. 36) Dénonçant l’indifférence des dirigeants et du grand public, il en appelle à la responsabilité de tous, rappelant que tout homme doit pouvoir aspirer librement à toutes les chances qu’offre l’existence. « C’est un problème créé par les humains, c’est donc à nous de le résoudre. » (p. 74) L’humanité est une et unique, en dehors de toutes les considérations fallacieuses de race ou de nation : elle mérite d’être protégée, défendue, revendiquée comme un bien commun. « C’est le moment de remettre en question l’humanité telle qu’elle est aujourd’hui et la manière dont nous considérons les réfugiés. Font-ils partie de nous ? Sommes-nous prêts à reconnaître que nous faisons partie du problème ? » (p. 22) Pour Ai Weiwei, l’inaction ou le fait de détourner les yeux sont aussi graves que de tenir le fusil qui menace et oppresse. Ses prises de position combattent l’hostilité grégaire vis-à-vis de ceux qui quittent tout dans l’espoir d’une vie meilleure. Il faut en finir avec la méfiance et ne pas déshumaniser les migrants : ayant tout perdu, il ne leur reste précisément que leur humanité. « Les gens qui ont peur des migrants, parce qu’ils manquent de connaissance et, par conséquent, de compréhension de l’humanité, m’inspirent beaucoup de compréhension. » (p. 12)
« N’importe qui pourrait être réfugié, y compris vous et moi. La crise dite des réfugiés est une crise humaine. » (p. 11) Plutôt que de défendre son bien et de s’accrocher à des avantages plus ou moins mérités, il faut s’investir dans la juste répartition des richesses et placer la dignité humaine au-dessus de tout. « La frontière n’est pas à Lesbos. Elle est dans notre esprit et dans notre cœur. » (p. 36) Ai Weiwei enjoint le lecteur à passer à l’action et à interpeler les décideurs politiques et autres dirigeants, surtout via Internet qui est un formidable contre-pouvoir quand il est dument manipulé, mais aussi par la créativité et l’art. « Le pouvoir a très peur de l’art et de la poésie, car l’art peut défendre les droits les plus essentiels. » (p. 45) La lecture de ce recueil d’extraits d’interviews et de prises de parole est dérangeante, car elle met précisément face à nos propres privilèges et à notre angoisse de les perdre.