La narratrice a récemment hérité de sa grand-mère Rita – son abuela – une commode aux tiroirs verrouillés. Dans ce meuble plein de trésors minuscules et sur lequel elle a projeté tant de fantasmes, la jeune femme espère trouver des réponses à une histoire familiale lacunaire. « Après tant d’années d’impatience domptée, je vais savoir pourquoi elle s’emballait à ce point pour cacher le secret que refermaient ces dix tiroirs. Ma grand-mère les nommait ses referme-mémoire. » (p. 7) Née dans une famille républicaine alors que l’Espagne devient franquiste, Rita quitte son pays pour la France avec ses sœurs. Soudainement orpheline, elle comprend qu’elle devra s’adapter pour survivre. L’indépendance et la rébellion chevillées au corps, elle se fait passer pour une Française pour s’intégrer, mais c’est dans les bras d’un Espagnol exilé et révolutionnaire qu’elle vit son premier, unique et trop court amour. Suit une longue existence intégralement consacrée à son enfant et à sa famille. « Je pars demain retrouver ma fille. Elle est la seule en qui je peux avoir confiance. La seule qui me donnera envie d’avancer. Les autres sont tous devenus fous. » (p. 83)
À mesure qu’elle ouvre les tiroirs et qu’elle parcourt les écrits que son abuela a laissés pour elle, la narratrice découvre les épisodes de la vie de son aïeule et des autres femmes de sa lignée. « À toi seule tu es chacune d’entre nous, riche désormais de nos échecs et de nos failles. » (p. 104) Le récit est doux et touchant, chaleureux et vrai, sans jamais tomber dans la niaiserie mièvre qui est trop souvent le défaut de ce genre de texte. Les mots portent et bercent, et j’y ai retrouvé la générosité ensoleillée de l’autrice quand elle chante.