« Il y a tant de beauté à être jeune et vagabond. Une telle splendeur, dans la passion incontrôlable. » (p. 10) Charlie Beale, récemment installé à Brownsburg, s’éprend au premier regard de la superbe Sylvan Glass. Cette beauté blonde a été achetée par son mari, le richissime et vulgaire Boaty Glass. Tout se déroule comme dans un film des années 40, à l’image de ceux qui obsèdent Sylvan. Entre mélo américain et tragédie grecque, tout est écrit dès le premier moment : Charlie et Sylvan vont vivre une passion secrète, interdite, un adultère tout simplement. Charlie est prêt à tout donner à cette femme qui a déjà saisi l’entièreté de son âme.« Il avait l’air d’un gamin de dix-huit ans. Dans cette envolée impétueuse de l’amour, son cœur s’élançait en chute libre. » (p. 200) Mais le vrai drame se passe à la hauteur de vue d’un petit garçon qui ne comprend pas tout. Le jeune Sam, passionné de baseball, s’est pris d’amitié pour Charlie et le suit partout. Il devient le témoin silencieux et le complice innocent de l’amour des deux adultes. Dans la chaleur étouffante de la Virginie en plein été, ce qui se noue est irrémédiable et impossible à arrêter.
Oh que j’ai aimé cette lecture, cette façon de raconter de manière douce et dodelinante, mais pas soporifique. Il y a quelque chose de la nostalgie dans ce récit, et on comprend pourquoi quand on découvre finalement qui est le narrateur de ce drame américain de la fin des années 1940. Je me suis laissé porter par chaque page, chaque épisode de l’histoire. Je me suis attachée à tous les personnages, avec un intérêt puissant pour les secondaires, absolument indispensables à la mécanique implacable de l’intrigue. Sans savoir vraiment l’expliquer, cette lecture m’a fait du bien, m’a rappelé le pouvoir imbattable d’évasion qu’offrent la littérature et l’imagination. J’ai refermé ce roman infiniment triste, mais surtout profondément reconnaissante. « À chaque tournant de la route, la campagne enchantait son cœur. Elle le brisait et le réparait dans un même élan. Elle était à la fois sauvage et douce. Elle réconfortait son âme. » (p. 139) Du même Robert Goolrick, je vous recommande le premier roman, Une femme simple et honnête, que j’avais tout autant apprécié. J’ai laissé passer trop de temps entre ces deux textes, je vais m’empresser de trouver le reste des livres de cet auteur !