Quatrième de couverture – « Je suis une travailleuse du sexe de vingt-quatre ans – une pute quoi. Vendre une prestation sexuelle n’est pour moi ni dégradant ni traumatisant. Être une pute, moi, ça me plaît, et ce qui me choque, c’est que ça choque. Ce qui est insupportable en revanche, c’est d’exercer ce métier au sein d’un système qui ne veut pas de moi. Qui n’admet pas que nous existions, nous, les putes libres et épanouies. Qui ne veut nous donner aucun droit, aucun statut. Qui ne veut pas nous entendre, nous et nos revendications. Sauf qu’un cri de révolte, ça ne s’étouffe pas. Ce livre en est la preuve. » Dans son premier roman graphique, l’auteure et dessinatrice Klou nous raconte son parcours, à la fois intime et politique, de travailleuse du sexe. Elle y décrypte la socialisation liée au genre, mais aussi sa découverte du militantisme féministe pro-sexe et LGBTQIA+. Sur des sujets controversés, elle apporte son regard à la fois acéré, drôle, et engagé.
Je vous propose la quatrième de couverture parce qu’elle présente parfaitement ce livre. Lire les mots de Klou, ça secoue, mais dans le bon sens. Cette travailleuse du sexe est libre, sûre d’elle et assume de ne ressentir aucune culpabilité ni honte envers le métier qu’elle fait. Le travail du sexe n’est pas plus honteux que la comptabilité ou la confection de vêtements, comme Klou l’explique si bien. C’est un métier et sa façon à elle de gagner de l’argent pour vivre. « Ce n’est pas ma faute si tu trouves que l’argent n’est pas une raison valable pour désirer de l’intimité. » (p. 41)
Klou se moque bien de recevoir l’approbation de la morale. Elle revendique une sexualité tarifée débarrassée de la main mise masculine et bien-pensante, et surtout elle milite pour la fin de la traite des êtres humains, afin de rendre au travail du sexe sa juste place, ni pire ni meilleure qu’une autre. « La destruction de l’hétéro-patriarcat ne passera pas par la destruction du TDS. Elle passera par une libération de la normativité hiérarchique du désir des femmes et des minorités de genre et donc par un travail du sexe plus égalitaire. » (p. 7) L’autrice compare sa situation avec le mythe de Méduse et j’ai rarement lu une mise en parallèle aussi pertinente et lourde de sens !
Le livre de Klou élargit ma réflexion sur le travail du sexe et mon engagement féministe. Il parle de plaisir, de genre, de sexualité évidemment, de normes sociales, de libération ou encore de réappropriation de son corps. « J’ai toujours su que le grand méchant loup, il vaut mieux le dresser que d’en avoir peur. Et qu’en devant une pute, je ne serai plus jamais une proie, mais je deviendrai l’appât. Et l’appât est indissociable du piège qu’il dissimule sous ses airs inoffensifs. » (p. 11&12) Et, entre les planches, il y a des pages de poésie. La voix de Klou est forte, elle est puissante, elle est belle, elle est renversante ! J’ai retrouvé dans son trait et sa façon de mener ses démonstrations quelque chose de Liv Strömquist. Et c’est sans hésitation que je range ce livre sur mon étagère de lectures féministes.