Roman de William Makepeace Thackeray.
Ce roman compte de nombreux personnages, mais s’attache surtout à deux jeunes femmes, la douce et charmante Amelia Sedley et l’ambitieuse et rusée Rebecca Sharpe. La première ne rêve que de vivre le parfait amour avec son fiancé de toujours, la seconde n’aspire qu’à s’élever aussi haut que possible dans la société. Le reste du récit, ce sont des héritages perdus ou espérés, des mariages secrets, des intrigues amoureuses, politiques et financières, des histoires d’honneur et des cœurs inconstants. Les richesses se font et se défont, les bonnes fortunes succèdent aux coups du sort et Napoléon qui revient de l’île d’Elbe. En chacun des personnages, à des degrés divers, la vanité domine les comportements, de la coquetterie la plus anodine à l’orgueil le plus écrasant. « Il était très préoccupé de ses pensées, de ses désirs, et dominé surtout par une vive admiration pour les charmes triomphants de sa personne. »
L’auteur ponctue généreusement sa fiction d’adresses au lecteur : il professe tout ce que la morale victorienne attend des jeunes gens et tout ce qu’elle réprouve. Ses conseils oscillent entre bienveillance et ironie, et il est tout à fait délicieux de lire entre les lignes. « Oui, vous aurez beau dire, il n’y a rien de tel que les gens de votre famille pour se charger de vous mettre en morceaux. » Thackeray s’amuse à imaginer comment il aurait pu conduire son récit, sur un autre ton ou dans un autre genre, tout ça pour revenir à son premier fil après avoir ébloui l’auditoire de sa virtuosité littéraire. L’auteur n’est pas tendre envers les mœurs vaines de ses contemporains et il se moque de l’attachement aux choses matérielles qui écartent d’une vie de vertu, tant chez l’homme que la femme. « Le sexe barbu est aussi âpre à la louange, aussi précieux dans sa toilette, aussi fier de sa puissance séductrice, aussi convaincu de ses avantages personnels que la plus grande coquette du monde. » Et c’est à peine si William Thackeray voit en l’amour une qualité tant il fait souffrir les cœurs et se montre versatile.
Comme nombre de romans du mon cher 19e siècle, La foire aux vanités est un texte riche, ample, épique et étourdissant. C’est une grande fresque sociale et morale qui, par certains aspects, a vieilli, mais qui garde une forme de bon sens universel. Ce roman était mon pavé de l’été, et une fois encore, les classiques européens ne me déçoivent pas.