Les parents de Gabriel et Ana forment un couple mixte : Michel est français et Yvonne est rwandaise, de l’ethnie des Tutsis. La famille vit au Burundi. Nombre des voisins sont des réfugiés rwandais. Pour le jeune Gaby, tout cela n’a pas beaucoup de sens. « Pourquoi se font-ils la guerre ? / Parce qu’ils n’ont pas le même nez. » (p. 5) Michel n’envisage pas de retourner en Europe : rien ne l’attend là-bas, tandis que sa vie d’expatrié est très confortable. Il refuse d’entendre la peur d’Yvonne à mesure que la tension monte dans la région. « Le fond de l’air avait changé. Peu importe le nez qu’on avait, on pouvait le sentir. » (p. 5) C’est l’année 1993, et alors que la vie de Gaby se limite à l’impasse où il joue avec ses copains et aux lettres de sa correspondante française, les tensions politiques explosent. « La guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi. Moi qui souhaitais rester neutre, je n’ai pas pu. J’étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais. » (p. 104)
Le récit est fait par un Gabriel adulte qui envisage de retourner dans son pays d’origine, loin de la France où il trouve difficilement sa place. Il se souvient de la peur omniprésente, des proches qu’il a perdus et de la liberté qu’il tentait de trouver dans les livres que sa voisine lui prêtait. Avec son court et percutant roman, Gaël Faye rappelle que personne n’échappe à la guerre, et surtout pas les enfants qui, même sans la comprendre, sont parfois contraints d’y participer. J’ai attendu plusieurs années pour lire ce roman qui, je le savais, me bouleverserait. Ayant récemment vu le très beau film Hôtel Rwanda, je me suis décidée, et l’émotion attendue est au rendez-vous.