Roman de Jon Kalman Stefansson.
Tout commence avec un homme sans mémoire qui reprend conscience. Qui est-il ? Que fait-il dans ce fjord perdu dans l’Ouest islandais ? En quête de son identité et de son histoire, il écoute les personnes qu’il rencontre et qui semblent le connaître. Leurs récits parlent d’amours puissantes, souvent malheureuses, et de morts inexorables, et de tous ces détails qui peuvent changer une existence :
- Un article scientifique sur les lombrics ;
- Un regard profondément bleu ;
- Un voyage en autocar avec deux livres ;
- Des sourires envoûtants ;
- Une jument douce ;
- L’arrestation d’Émile Zola ;
- Un départ au Canada ;
- Des chansons et des poèmes.
À mesure que le roman progresse, c’est nous, lecteurs, qui comprenons qui est ce protagoniste perdu, cette page blanche qui noircit des feuillets pour se reconstituer. « La question de votre identité est tout à fait superflue. Ce qu’il est advenu de votre ancienne vie, de vos amours et de vos trahisons n’a ici aucune importance. Ce qui compte, c’est de continuer les histoires que vous avez commencées. Je suppose que vous avez compris que vous ralentissez la cause du temps lorsque vous écrivez. » (p. 209) Au fil des destins d’encre qui se déploient, l’auteur rappelle la force de la création par l’écriture et nous entraîne dans son univers en posant un mot sur tout. « Toute chose doit pouvoir être nommée, faute de quoi on ne peut la décrire, la cerner. Je ne saurais t’embrasser tant que tu ne m’as pas dit ton nom. » (p. 77)
Les personnages et les histoires sont multiples, se rencontrent par moment. C’est lent, c’est souvent étrangement poétique. La ligne chronologique a finalement peu d’importance. Ce qui compte, c’est d’être présent au moment où les événements adviennent afin de les vivre pleinement. « Une chanson qui raconte comment votre vie peut se transformer en une vallée de regret et de mélancolie si vous ne saisissez pas l’occasion quand elle se présente. » (p. 39) Comme un long conte déployé au cours d’innombrables veillées, le récit ne se gêne pas pour se répéter, pour revenir encore et encore sur certains points. Le tout est immensément beau.
Du même auteur, j’avais beaucoup moins apprécié Entre ciel et terre.