Nous retrouvons la famille Pelletier en 1952. Les parents Louis et Angèle vivent toujours à Beyrouth, et le père se passionne pour les matchs de boxe d’un de ses ouvriers, Lucien. À Paris, Jean est plongé dans les préparatifs de l’ouverture de son grand magasin. François ne sait plus si son couple avec Nine a de l’avenir, tant il pressent que sa compagne lui ment sur son passé. « Il avait échoué à l’aider parce qu’il avait échoué à la comprendre. » (p. 325) Et Hélène, empêtrée dans une situation délicate, est envoyée en province couvrir les derniers jours d’un village avant l’ouverture des vannes d’un nouveau barrage. Autour d’eux gravitent d’autres personnages. L’inspecteur Palmari traque avec une froide et méthodique détermination les avortements clandestins. « Il avait choisi pour cheval de bataille une législation qui concernait le corps des femmes, qui autorisaient des investigations dans leur intimité. » (p. 54) L’ingénieur Destouches supervise les travaux d’évacuation du village et la mise en fonctionnement du barrage. Geneviève, l’odieuse épouse de Jean, enceinte pour la seconde fois, est une terrible mère pour la petite Colette.
Je me suis régalée avec la suite du Grand Monde. Quel plaisir de retrouver les diverses générations de Pelletier et de voir la famille s’agrandir ! J’espère que le prochain volume de l’auteur portera encore sur ce clan établi entre Paris et Beyrouth. « Il en allait ainsi chez les Pelletier. Émotions, secrets, silences, aveux et déclarations se succédaient, il y aurait eu un roman à écrire sur les pensées des uns et des autres. Une vie de famille. » (p. 81) Une fois encore, je suis épatée par le talent de Pierre Lemaitre pour dresser des portraits et la finesse avec laquelle, en peu de mots, il dessine un caractère. Avec un indéniable sens de la formule et un humour tout à fait réjouissant, il campe des personnages que l’on a plaisir à suivre et/ou à détester. « Autre avantage de Cosson, il faisait peur. Si vous ne saviez pas que son mutisme était uniquement dû au crétinisme, son absence d’affect dans certaines tâches était glaçante. » (p. 97) Après sa trilogie Les enfants du désastre (Au revoir là-haut, Couleurs de l’incendie et Miroir de nos peines), l’auteur poursuit son exploration de l’histoire française avec sa série Les années glorieuses. Il ne manque jamais d’évoquer les sujets de société qui dérangent : complots financiers, scandales politiques ou encore batailles sociales. Ici, en consacrant une grande part de son roman à l’avortement, il donne une dimension féministe au récit. « Si l’avortement était une affaire de femmes, sa répression restait principalement une affaire d’hommes. » (p. 101) Dire qu’il faut attendre janvier 2024 pour le prochain roman de Pierre Lemaitre… C’est trop long !